Le gouvernement peut-il aider la population la plus vulnérable du Canada en période de pandémie?

30 Juillet, 2020 - Lorsqu'on parle de protéger les communautés vulnérables au coeur de la pandémie de COVID-19, les groupes duquel on parle fréquemment incluent les personnes âgées et celles dont le système immunitaire est affaibli. Les peuples autochtones du Canada sont souvent négligés, particulièrement ceux qui vivent dans les réserves. Bien qu’il traverse des circonstances sans précédent, le gouvernement doit donner la priorité à la santé et à la sécurité des Premières Nations, ainsi que de créer des politiques de collaboration adaptées pour répondre à leurs besoins et circonstances uniques.

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Souvent, ce qui fonctionne pour le reste du Canada ne fonctionne pas pour les peuples autochtones. Par exemple, l’universalité de la Loi canadienne sur la santé vise à faire en sorte que la prestation des soins de santé suive des modalités et conditions uniformes, offrant supposément la même qualité de service partout au Canada. Comme de nombreuses communautés autochtones peuvent en témoigner, ce n'est souvent pas le cas; il existe un écart de bien-être entre les Canadiens non-autochtones et ceux qu’ils le sont.

Si le Canada peut intervenir et freiner cette crise dans les communautés Premières Nations, leurs actions pourraient encourir une ouverture face à d'autres efforts de coopération et de réconciliation réservés à l'avenir. Mais d'abord, le gouvernement doit faire ses preuves en déployant rapidement des politiques et programmes sociaux adéquats pour aider les communautés autochtones lorsqu'elles en ont le plus grandement besoin.

 

La vulnérabilité des communautés autochtones

Les communautés autochtones, en particulier les quatre-vingt-dix-huit (98) régions éloignées des vols aériens, sont particulièrement vulnérables à une pandémie. Les Inuits du Nord sont déjà plus susceptibles aux maladies respiratoires en raison des logements surpeuplés et de la pauvreté, sans compter l'insécurité alimentaire. De plus, ils dépendent de juridictions extérieures, principalement des centres urbains, pour la plupart des services de santé.

Les logements surpeuplés sapent les mesures conventionnelles de distanciation physique, tel que rester à la maison, qui sont recommandées par les responsables de la santé publique du Canada. La capacité d'isolement ou de distance sociale dépend de l'accès à un logement stable et adéquat, ce que le gouvernement se doit de fournir. De plus, le lavage fréquent des mains suppose que l'on a accès à de l'eau propre. En fait, 61 communautés autochtones au Canada font toujours l'objet d'un avis « ne pas consommer », ou encore de « faire bouillir l'eau », ce qui signifie que les résidents doivent utiliser de l'eau embouteillée pour se laver les mains. Parmi ces communautés, 13 d’entres elles se trouvent dans le Nord de l'Ontario. Les peuples autochtones doivent avoir la capacité de suivre toutes les recommandations formulées par les responsables de la santé publique; nombreux sont ceux qui ne le font pas actuellement.

 

Les lacunes des programmes sociaux préexistants

En raison de la nature fédéraliste de la politique canadienne, les stratégies relatives à la santé et au bien-être des peuples autochtones relèvent à la fois des compétences fédérales et provinciales. Cette relation convolutée entre les différents niveaux de gouvernement ne disparaît pas pendant une pandémie; au contraire, les tensions dans la disposition des services de santé sont amplifiées.

Les Premières Nations ont toujours été victimes de ces lacunes juridictionnelles; les multiples niveaux de gouvernement, bien qu'utiles dans certaines situations, se traduisent par une responsabilisation et une surveillance faible en ce qui concerne les questions autochtones.

Bien que les provinces soient responsables de la plupart des programmes sociaux au Canada, le gouvernement fédéral s'occupe des relations avec les peuples autochtones, ainsi que des négociations de traités. Comme le reconnaît Martin Papillion, Directeur du Centre de recherche sur les politiques et le développement social, les deux paliers de gouvernement tentent de « se dessaisir » de leurs responsabilités envers les peuples autochtones, que ce soit pour des raisons financières, politiques ou sociales. Cette émission de merde politique ne laisse pratiquement aucune place aux communautés autochtones à participer au processus d'élaboration de politiques, laissant ceux-ci avec la plus faible qualité de service disponible. La Constitution canadienne répartit les responsabilités entre les gouvernements provinciaux et celui du fédéral de manière à ce qu’il ne soit actuellement pas propice au bien-être et à la réconciliation des Premières Nations.

 

Est-ce que 305 millions de dollars suffisent?

Le 18 mars dernier, le gouvernement Trudeau a fait le premier pas dans la bonne direction en annonçant un fonds de soutien aux communautés autochtones de 305 millions de dollars. L'argent sera allouée aux dépenses liées au COVID-19, allant de l'achat de fournitures, telles que des désinfectants pour les mains et des masques, la couverture des frais de voyage, jusqu’à la réutilisation des bâtiments communautaires pour les soins médicaux, les sites d'isolement et les espaces de stockage.

Mais cette argent est-elle suffisante? À la fin du mois de mars, l'Assemblée des Premières Nations a déclaré l'état d'urgence pour ses peuples, déclarant que l'argent engagée à ce jour par Ottawa n'ira pas assez loin pour répondre aux besoins uniques des populations autochtones confrontées à cette pandémie. Il est justifié que ces communautés se méfient de l’aide gouvernementale fournie par le colonialisme historique et l’ambiguïté autour de la mise en œuvre de nouvelles politiques.

Le plan de relance visait à couvrir les « besoins immédiats » des communautés inuites, métisses et Premières Nations. Cependant, celui-ci n'est entré en vigueur qu'en mai, soit plusieurs mois après que le virus soit atterri au Canada. Les communautés autochtones se sont donc retrouvées avec peu ou sans aide gouvernementale pendant les premières étapes critiques de la pandémie.

Une chose reste certaine: plus la réponse est rapide, mieux c'est. Le nombre de cas confirmés de COVID-19 dans les communautés autochtones reste faible, mais il augmente, ce qui nécessite une action rapide pour empêcher la propagation le plus tôt possible. Des politiques sociales globales, plus que jamais, ont le potentiel de sauver des centaines de vies. Les communautés autochtones ont besoin de plus qu'un simple chèque en blanc – elles ont besoin de professionnels de la santé, de désinfectant pour les mains, d'eau potable et de logements moins encombrés.

Des fois plus tard, le gouvernement fédéral a annoncé des mesures supplémentaires pour aider à freiner la propagation du COVID-19 dans les communautés autochtones. Certains soutiens comprennent un financement supplémentaire pour les entreprises et industries touristiques autochtones, un fonds de soutien communautaire et une exemption des paiements d’intérêt.

 

Avancer

Les communautés autochtones ont besoin d'un engagement actif et continu; ils doivent être impliqués dans les décisions fédérales et provinciales qui affectent négativement leurs communautés de manière disproportionnée. La pandémie actuelle met en danger le bien-être futur des générations autochtones, et ce risque ne disparaîtra pas lorsque la menace du COVID-19 aura disparu.

Ce qu'il faut retenir, c'est que les problèmes fondamentaux qui affligent les communautés autochtones ne cesseront pas d'exister après la fin de la pandémie. Une fois le fond de soutien COVID-19 épuisé, les communautés autochtones se retrouveront toujours avec des logements surpeuplés, un accès insuffisant aux soins de santé et beaucoup n'auront toujours pas d'eau potable. Afin de permettre au processus de réconciliation de se poursuivre, des politiques sociales axées sur les Premières Nations doivent être adoptées à long terme. Une histoire de mauvais traitements par l'État canadien mettra des décennies à s'inverser, si cet objectif final est même possible. Bien que ces efforts puissent commencer par la réponse du gouvernement au COVID-19, les efforts ne doivent pas s'arrêter là.

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Mercedes Labelle est une analyste de recherche 

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