Aucune reprise au masculin ne règle une récession au féminin

Juillet 23, 2020 - Non, les travaux de réfection de ce pont n’aideront pas les femmes de votre ville à participer de nouveau à l’économie.

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Et ce sont les femmes, particulièrement les mères de jeunes enfants, qui ont été les plus touchées par le ralentissement de l’activité économique découlant de la pandémie de COVID-19. L’économiste Armine Yalnizyan a même, en anglais, qualifié le phénomène de « she-cession » pour souligner jusqu’à quel point ce ralentissement se différencie de ceux qui l’ont précédé.

Je me rends bien compte que le pont doit être remplacé, qu’il ne reste plus qu’à mettre pelle en terre et que le projet est au 117e rang de la liste des projets régionaux de la province. Cela signifie qu’en temps normal, le pont serait remis à neuf dans huit ou 10 ans. Mais lorsqu’il est question d’un plan de relance pour répondre à la récession ACTUELLE, ce pont ne fait pas le poids.

Les données de l’Enquête sur la population active sont très claires à ce sujet. L’industrie de la construction a été l’une des moins touchées par la COVID-19, n’a jamais complètement cessé ses activités (au contraire d’autres secteurs) et est l’un des chefs de file en matière de reprise. Un investissement massif de milliards de dollars dans des projets d’infrastructure fera très peu pour stimuler les secteurs de l’économie qui ont été dévastés par les événements du printemps et du début de l’été.

La professeure Jennifer Robson a fait des calculs sur la contribution économique directe des femmes ayant des enfants d’âge préscolaire ou scolaire. Elle est arrivée au chiffre de 113 milliards de dollars. C’est un chiffre à peu près équivalent à la contribution nationale du secteur du pétrole et du gaz. Les voitures, les maisons et les dîners achetés par les travailleurs (en grande majorité des hommes) qui construisent des usines municipales de traitement des eaux usées ou des centres des congrès ne feront rien pour rouvrir les bureaux fermés par peur du virus. Nous n’avons pas eu un ralentissement de l’économie typique ; des mesures de stimulation typiques ne sont évidemment donc pas la réponse au problème.

Mais qu’est-ce qu’une mesure de stimulation atypique ? Ici, la réponse est simple : des services de garde. Cela signifie un retour en classe à temps plein pour les écoles (au moins de la maternelle à la 8e année) et un accès 24 heures sur 24 à des services de garde. Cela ne signifie pas de retourner à l’offre de services de garde d’avant la COVID. Comme dans le cas des soins de longue durée, la COVID-19 a mis à nu les failles de notre système actuel de soins de la petite enfance. Il n’y a tout simplement pas suffisamment d’offre pour répondre à la demande, et là où les services sont disponibles, ils sont trop chers pour bien des gens.

Il faut tout d’abord rappeler aux parents et aux fournisseurs de services que les subventions existantes peuvent être utilisées dans toutes les situations, pas juste dans le cas de grands services de garde. Nombreuses sont les communautés où, particulièrement dans le nord et à l’ouest de l’Ontario, des services de garde structurés ne sont pas offerts à tous ou où la demande n’est pas suffisante pour justifier la mise en place d’un centre de soins pour la petite enfance. C’est pourquoi il devrait être prioritaire d’augmenter ces subventions transférables pour les parents de jeunes enfants, en vue de pallier les lacunes en matière de services de garde. Même s’il ne s’agit que d’une mesure de stimulation temporaire, cet investissement pourrait servir à couvrir les coûts de lancement de nouvelles options dans des régions mal desservies.

Les nouvelles règles mises en place pour limiter la propagation du virus ne feront qu’empirer la situation. Dans la nouvelle réalité de la COVID, la garderie moyenne devra ajouter de quatre à sept pièces à ses installations justes pour être en mesure d’accueillir autant d’enfants qu’avant la pandémie. Cela veut dire que non seulement il doit être plus facile de pouvoir accéder à des services de garde, mais que les garderies devront aussi devenir beaucoup plus grandes physiquement.

L’industrie de la construction et les mesures de stimulation économique typiques ne sont pas complètement abandonnées dans cette nouvelle réalité. Il faudra construire plus d’espaces de garderie, soit en érigeant de nouveaux immeubles ou en adaptant des installations existantes. Pour aider autant l’économie que l’assiette fiscale des villes, il faudrait offrir des incitatifs aux propriétaires d’immeubles et aux garderies pour qu’ils adaptent des espaces de bureau ou de vente au détail déjà vides ou qui le seront bientôt aux besoins des services de garde. Il est facile pour le gouvernement d’offrir de l’allégement fiscal à la phase de lancement d’un service de garde ou des subventions directes des coûts d’adaptation des installations.

Nous devons aussi rendre plus facile d’adapter des installations existantes ou de les rendre plus polyvalentes dans des écoles, des universités, des centres communautaires et d’autres espaces publics. Le Ontario Nonprofit Network a déjà écrit au gouvernement provincial pour lui faire part du plus grand obstacle à cet élargissement des usages d’installations : l’assurance. L’assurance constitue un énorme coût pour ceux et celles qui veulent utiliser les écoles et d’autres infrastructures publiques à des moments où elles seraient autrement vacantes.

Une exemption du genre « bon samaritain », comme celle que nous offrons aux restaurants qui donnent de la nourriture aux banques d’alimentation, pourrait être offerte aux garderies et à d’autres groupes de services communautaires. Autrement, les gouvernements pourraient offrir des appuis à l’obtention d’assurance. Cela permettrait aux organisations qui le désirent d’obtenir une telle assurance à un coût raisonnable. 

Finalement, nous devons soutenir les groupes qui visent à adapter de façon permanente des installations publiques excédentaires à des fins de garderie ou d’autres objectifs publics (comme des soins de longue durée, par exemple). Exiger que les immeubles excédentaires soient vendus aux taux du marché est une politique sensée lorsqu’il est vraiment nécessaire de maximiser les revenus. Mais lorsqu’il faut relancer une économie qui a désespérément besoin d’espace pour des garderies sécuritaires, il pourrait être avisé d’assouplir ces règles, au moins à court terme.

 

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Charles Cirtwill est le président et chef de la direction de l’Institut des politiques du Nord. Un groupe de réflexion économique et sociale indépendant du Nord de l’Ontario, ayant des bureaux à Thunder Bay et Sudbury.


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