Écoles-carrefours communautaires : Besoin d'un « mouvement pour faire disparaître la cage »

16 septembre, 2015 - Transformer en carrefours communautaires les écoles qui se vident ou sont fermées temporairement s'impose maintenant pour les provinces et districts scolaires. Il y a trois semaines, l'Ontario devenait la plus récente province à adopter cette initiative politique et à relever le défi herculéen de la réalisation. Faire disparaître le cloisonnement de l'éducation prendra ce que l'analyste américain des politiques Frederick Hess a désigné à juste titre par « mouvement pour faire disparaître la cage ».

La première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne, a publiquement soutenu un rapport spécial de la consultante provinciale Karen Pitre, qui demande que les écoles publiques fermées bénéficient d'une deuxième vie, sous forme de « carrefours communautaires ». Pourtant, et curieusement, le rapport du 10 août et l'annonce publique connexe, n'ont aucunement fait référence à l'aventure antérieure de la Nouvelle-Écosse qui patauge au stade de sa mise en œuvre.

L'an passé, la Nouvelle-Écosse était la première à adopter le modèle d'école-carrefour. Le « rejet » récent de trois projets populaires d'école-carrefour de la Nouvelle-Écosse dans les collectivités rurales de Maitland, de River John et de Wentworth a interrompu l'aventure, et cela fournit d'importantes leçons aux responsables des politiques et aux autorités de l'éducation en Ontario.

La première ministre Wynne et la ministre de l'Éducation Liz Sandals sont certainement aux premiers rangs pour promouvoir les changements et voient clairement dans « la multiplication de ces carrefours » une priorité provinciale. C'est un bon début parce que sans cette direction politique ferme, la rhétorique politique ne mène nulle part. C'était le cas en Nouvelle-Écosse où la province a opté pour la non-intervention politique et laissé les promoteurs d'écoles-carrefours mener leurs propres batailles avec les districts scolaires locaux.

L'Ontario adopte une approche beaucoup plus complète, à court et à long terme, pour la transformation des écoles en carrefours, et l'initiative est guidée autant par les impératifs des quartiers urbains que par les préoccupations des villages ruraux. Tout cela a été accéléré par l'examen de la gouvernance du conseil scolaire du district de Toronto, examen fait par Margaret Wilson, ainsi que par des études connexes sur les installations scolaires provinciales et qui ont révélé que la province était encombrée d'écoles à moitié vides et abandonnées.

Le rapport de Maragret Pitre recommande une mesure immédiate servant à prolonger les délais impartis pour se défaire des écoles; cette mesure accorderait aux organismes publics et aux groupes communautaires 180 jours pour présenter une proposition de carrefour. Son plan permettrait à des acheteurs potentiels de payer moins que la valeur du marché et ouvrirait la porte à du financement partagé avec la province.

Au lieu de proclamer des mesures législatives et d'imposer ensuite une réglementation restrictive, l'Ontario cherche à se libérer de la paperasserie, afin de préserver les écoles comme immeubles publics et de faciliter (et non de compliquer) le partage de l'espace à des fins d'activités communautaires, de centres de santé, de garderies, de centres pour les aînés et de cafés.

Passer à une législation habilitante, sans intégrer la planification et l'investissement communautaire permettant que tout fonctionne bien, pourrait assurément faire déraper tout le projet de la Nouvelle-Écosse. Le manque de soutien visible de la province ou du conseil scolaire condamnait dès le départ les projets pilotes. Deux mois après le coup de hache, les promoteurs de l'école-carrefour River John ne trouvent que « des gens qui se renvoient la balle » pendant que, avec détermination, ces promoteurs cherchent quelqu'un, quelque part pouvant assumer la responsabilité du renouveau communautaire.

Les perspectives semblent meilleures en Ontario pour un certain nombre de raisons. Contrairement à l'Ontario, la stratégie provinciale de la Nouvelle-Écosse a été essentiellement réactive, inspirée par un désir d'atténuer un tollé rural de protestations contre les fermetures d'écoles locales en 2013-2014. Certes, c'était essentiellement une idée proposée par des « gens de l'extérieur » et qui a été adoptée presque avec réticence par les autorités de l'éducation en Nouvelle-Écosse.

Les carrefours communautaires sont déjà plus acceptés et répandus en Ontario qu'en Nouvelle-Écosse, même sans législation habilitante. Quelque 53 exemples de carrefours se trouvent dans le rapport de Pitre, la plupart d'entre eux sont situés dans des collectivités urbaines et de banlieues plutôt que dans des collectivités rurales. La grande pression à Queen’s Park vient également de Toronto et d'agglomérations majeures du Sud ontarien qui ont beaucoup plus de poids politique.

Plutôt que d'ériger un mur d'obstacles administratifs et d'imposer des cibles de recouvrement de coûts qui sont totalement irréalistes, l'Ontario cherche à éliminer la paperasserie. En outre, dans son rapport, Pitre propose de reconnaître le rendement social de l'investissement (RSI) dans les carrefours. Il est clairement reconnu qu'investir dans ceux-ci produit des avantages sociaux, dont des taux de délinquances inférieurs, de meilleurs résultats pour la santé, des vies plus saines pour les aînés ainsi que des niveaux supérieurs de confiance communautaire.

Il faudra un mouvement pour faire disparaître la cage, afin de transformer des écoles et d'autres immeubles publics en carrefours communautaires viables. Cela commence par s'attaquer aux contraintes structurelles fondamentales : le besoin de planification communautaire intégrée, l'adoption d'un modèle intégré de prestation de services interministériels, puis, le cas échéant, l'offre de financement public durable.

Obtenir l'accès à l'espace scolaire est un plus gros problème que trouver les clés de Fort Knox. Seule une approche multilatérale et de tout le gouvernement permettra de vaincre le cloisonnement du monde de l'éducation. Au niveau de l'école, les directeurs devront accepter des responsabilités administratives élargies, y compris des engagements en juillet et en août, période au cours de laquelle il n'y a pas de « gestion de propriété » visible.

Créer des carrefours communautaires viables est un véritable test des dirigeants en politique et en éducation. Peu ou rien de ce qui est durable ne se produira sans venir à bout de la « cage de fer » du monde de l'éducation. Alors seulement verrons-nous des écoles-carrefours communautaires comblant localement les lacunes flagrantes, sociales et communautaires, laissées par la régionalisation des services publics.  

Paul W. Bennett, attaché supérieur de recherche à l'Institut des politiques du Nord, à Thunder Bay, est un auteur principal de The Last Stand: Schools, Communities and the Future of Rural Nova Scotia (2013).

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