Vous voulez de bonnes politiques publiques? Préparez-vous à servir de cobaye!

24 Octobre 2016 - Nous connaissons la complainte. Le Nord de l’Ontario possède un territoire vaste et une petite population. La taille de nos centres urbains atteint à peine celles des grands villages d’autres régions. Ça prend quatre heures de route pour parcourir... quatre heures de route. Parfois notre cellulaire fonctionne, parfois pas. Notre économie est trop dépendante du gouvernement. L’industrie privée se concentre principalement dans les secteurs de ressources indépendantes, dont certains subissent des pressions concurrentielles importantes à mesure que changent les goûts et les sensibilités dans le monde. On nous dit que nous sommes relativement âgés, maladifs, pauvres et peu attrayants pour les nouveaux venus. Bref, vous voyez l’idée.

Enfin, tout ceci n’est pas précisément vrai, comme pour toute généralisation et tout stéréotype. Mais il y a quand même là suffisamment de vérité pour créer une occasion remarquable qui ferait de notre région un chef de file en politique publique. Oui, j’ai bien dit « chef de file ». Vous voyez, nos problèmes ne sont pas uniques. La pauvreté, le racisme, le peu de participation, le manque d’investissements privés, l’abus de l’environnement, tout ça existe aussi ailleurs. Dans la plupart des cas, ce sont les solutions qui manquent. Ou du moins, les solutions fondées sur les preuves.

Et voilà où nous pouvons intervenir. Voilà aussi où notre petite population et notre isolement relatif peuvent jouer en notre faveur. Suivez-moi bien.

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Selon Forbes, la Finlande a récemment « lancé une forme de processus décisionnel en matière de politique publique qui permettrait aux gens de vraiment réfléchir aux problèmes en question, de considérer des solutions, d’en tester quelques-unes et d’appliquer les meilleures » (traduction).

En tester quelques-unes.

Selon l’un des principaux chercheurs impliqués dans cette nouvelle approche finlandaise, voilà où repose l’essentiel de la question. Le chercheur souligne que les gouvernements sont en train de faire des innovations dans plusieurs secteurs, citant des exemples comme le Nudge Unit au Royaume-Uni et le Mindlab au Danemark. Par contre, apparemment que les Finnois voulaient faire des expériences à grande échelle au niveau de la politique publique. Non seulement voulaient-ils réfléchir à un problème et y formuler une réponse, ils voulaient aussi tester celle-ci et utiliser les résultats obtenus pour l’améliorer ou la rejeter.

Les expérimentations fédérales coûtent très cher et, une fois celles-ci lancées, il est extrêmement difficile d’y mettre fin. Même quand leurs répercussions sont négatives et bien connues. Mais qu’arrive-t-il s’il existe déjà un microcosme de notre société? Qui, relativement isolé des influences externes, existe à une échelle qui pourrait assurer la validité des données statistiques? Bienvenue dans le Nord de l’Ontario.

Bien sûr, on nous dira que cette expérience se trouve déjà à tous les niveaux de nos gouvernements. Un parfait exemple est le futur projet pilote portant sur le revenu de base en Ontario. Et il y en a des centaines d’autres qui sont prêts à être exécutés.

Mais voilà le hic. À l’exception peut-être du projet pilote portant sur le revenu de base en Ontario (et je doute franchement qu’il s’agisse là d’une exception), l’expérimentation gouvernementale dans notre province (et presque partout ailleurs) échoue au test en trois parties du modèle finlandais.

La première partie du test consiste à « comprendre le problème ». Voilà le plus grand obstacle à surmonter. Trop souvent, les gouvernements de tous les types et à tous les niveaux « connaissent » déjà le problème. La Finlande tente d’éviter ce biais en institutionnalisant l’inclusion à la fois des preuves actuellement disponibles et des opinions divergentes en ce qui concerne la définition du problème.

La deuxième partie consiste à « mettre en œuvre les expériences ». Au pluriel. En Finlande, le cabinet du premier ministre explore activement les façons de changer l’attribution du financement afin de mieux appuyer plusieurs essais différents ayant pour but de résoudre le même problème. Voilà un moyen de surmonter systématiquement le biais de notre propre gouvernement. On crée un système qui appuie l’expérimentation effectuée par autrui.

La troisième partie consiste à « évaluer les répercussions identifiées ». Ici les Finnois prennent à cœur le gouvernement ouvert comme peu d’autres l’ont fait. La Finlande est « en train de créer de nouvelles plateformes de communication en ce qui concerne les expériences : le partage d’information, de savoir-faire et de pratiques connexes » (traduction). Des centaines d’experts ne faisant pas partie du gouvernement sont prêts, disposés et aptes à analyser les résultats et à en évaluer les coûts et les avantages. Il semblerait que les Finnois sont en train de les recruter.

Il faudra trouver des solutions au racisme, à l’inégalité de revenus, à la baisse des niveaux d’éducation et d’emploi chez les hommes d’âge actif ainsi qu’à une multitude d’autres problèmes. Nous les règlerons éventuellement comme nous l’avons toujours fait, par l’expérience. La question reste à savoir si nous souhaitons accélérer le processus au moyen d’expériences contrôlées.

Les collectivités du Nord de l’Ontario, notre démographie et notre géographie représenteraient des laboratoires idéaux. Pour ma part, je voudrais bien servir de cobaye, et je crois que vous le devriez aussi.


Charles Cirtwill est président et chef de la direction de l’Institut des politiques du Nord, un groupe indépendant de réflexion sociale et économique sont le siège social est dans le Nord de l’Ontario. Première publication dans Northern Ontario Business, en octobre 2016.

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