Une nouvelle vision pour le Nord ontarien

4 mai, 2015 - Depuis plus de quarante ans, les débats sur le développement économique dans le Nord ontarien sont dominés par plusieurs thèmes. Le premier de ceux-ci est que les industries primaires sont la clé de la prospérité de la région, pour le moment et pour l’avenir. Le deuxième est que le Nord ontarien fournit plus d’argent à l’Ontario, par les redevances et les impôts payés, qu’il n’en reçoit pour des services. Le troisième est que le Nord est d’une importance nationale et mondiale limitée. Le quatrième est que de nombreux observateurs croient que les politiques et la programmation du Nord ne peuvent être encadrées que par des références aux tendances et aux circonstances mondiales.

L’Institut des politiques du Nord vient de rendre public un document qui suggère que ces croyances fondamentales sont soit erronées, désuètes ou restent à prouver.

Les industries primaires emploient quelque 6,5 p. 100 de la main-d’œuvre du Nord ontarien et engendrent de l’emploi additionnel qui est probablement du même ordre. Cela ne se traduit pas par une position économique dominante. Ce manque de dépendance ne constitue toutefois pas une crise. Beaucoup des pays les plus riches du monde, petits ou gros, ont peu de ressources naturelles. Le Japon et Singapour sont des exemples évidents. Le message est simplement qu’une stratégie économique qui repose largement ou exclusivement sur les industries primaires ne suffira pas. Certes, une telle stratégie est accompagnée d’inconvénients considérables, dont une exposition accrue aux fluctuations des prix des produits de base.

En ce qui a trait à la circulation des fonds, il y a peu de preuves relatives à la thématique du Nord qui continue d’apporter à l’Ontario plus qu’il n’en reçoit. Une analyse préliminaire a démontré qu’il y a eu déficit fiscal pendant les premières années de formation de la province de l’Ontario, mais des travaux récents suggèrent que la circulation des fonds est probablement inversée maintenant. Certains suggèrent fortement que c’est le cas. Il est extrêmement malheureux que ce débat, étayé par si peu de preuves de part et d’autre, ait eu une influence si corrosive sur le Nord et pendant si longtemps.

Cela est particulièrement vrai puisque le Nord ontarien est en fait d’une importance vitale au Canada et à l’échelle mondiale. Le Nord de l’Ontario est le pont géographique entre l’Est et l’Ouest canadiens. Il est si grand que la gestion de ses forêts, de ses mines et de son environnement est d’une importance mondiale. Sa population est la plus nombreuse de toutes les régions nordiques, après la Sibérie. Sa population est huit fois plus élevée que celle des trois Territoires nordiques combinés De ce point de vue, le fait que la performance économique du Nord ontarien ait été inférieure à celle des régions nordiques de toutes les autres provinces et de nombreuses autres compétences nordiques importe grandement.

Enfin, l’habitude historique de situer la politique économique dans le contexte des développements nationaux et provinciaux est archaïque et contre-productive. Malheureusement, elle caractérise presque tous les documents gouvernementaux publiés et traitant de l’économie régionale. Internet et les nouveautés connexes aux É.-U., en Chine, en Inde et ailleurs réduisent l’importance des obstacles géographiques et y sont pour beaucoup dans l’uniformisation des règles du jeu dans l’économie mondiale. De nouvelles possibilités de développement économique ont émergé.

La désuétude de la pensée économique classique dans le Nord ontarien signifie que des changements majeurs s’imposent.

Le premier changement est de mettre à jour les données statistiques sur la région et de veiller à ce que la population soit mieux informée. Bien que la population du Nord ontarien équivaille à peu près à celle de la Nouvelle-Écosse, ses données disponibles sont beaucoup plus limitées que celles de cette province de l’Est. Un ensemble de comptes économiques, semblable à celui des provinces, est d’une nécessité vitale, tout comme l’est une compréhension plus claire et complète de la circulation des fonds en provenance et à destination de la région.

Le deuxième changement est que beaucoup de dirigeants du Nord ont besoin de sortir davantage. Une série d’échanges avec l’Islande et d’autres pays nordiques, organisée par des organismes locaux serait très utile pour améliorer la gestion des enjeux reliés aux Autochtones, aux mines, au tourisme et à l’environnement. Des échanges similaires avec Bangalore et Chongqing seraient bénéfiques pour des raisons évidentes.

Le troisième changement est que les gens du Nord ont besoin d’édifier une société plus cohésive. Les preuves dans le reste du monde indiquent que les sociétés cohésives où les gens travaillent ensemble fonctionnement mieux sur le plan économique; toutefois, des divisions entre les groupes sont évidentes partout dans le Nord. Il y a des divisions entre les francophones et les anglophones, entre les Autochtones et les non-Autochtones, entre les campagnes et les villes, entre l’Est et l’Ouest et de nombreuses autres.

Somme toute, il y a deux voies majeures vers l’avenir du Nord ontarien. Il y a la possibilité de s’accrocher aux anciennes croyances, à une litanie de divisions internes et à un manque de données factuelles sur l’économie. Si c’est l’option retenue, la performance du Nord ontarien continuera certainement d’être inadéquate par rapport à celle des autres provinces et de nombreuses régions du monde. Par contre, le Nord ontarien peut regarder davantage vers l’extérieur que vers l’intérieur, chasser la mythologie ancienne et mettre en place des mécanismes additionnels, afin de collaborer à des projets et pour des enjeux majeurs. Si la région opte pour la seconde voie, l’avenir sera plus brillant et le Nord ontarien pourrait jouer un rôle sur les scènes nationales et mondiales, qui convienne à sa taille, à son histoire et aux espoirs de sa population.

Charles Cirtwill Président et chef de la direction, Institut des politiques du Nord, groupe indépendant de réflexion sociale et économique et dont le siège social est dans le Nord de l’Ontario. David MacKinnon est un praticien chevronné du développement économique ainsi que l’auteur d’un document publié récemment « Nouvelle lentille du Nord ».

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