Sauvetage de la jeunesse des Premières Nations: Cheminement éducatif de Shannen et ses leçons

29 février, 2016 - L'odyssée personnelle de Shannen Koostachin est une histoire profondément touchante. Sa campagne de 2007 à 2010 axée sur les enfants et portant sur l'école « sécuritaire et confortable » de la Première Nation Attawapiskat a engendré le « Rêve de Shannen », un mouvement canadien piloté par des jeunes, qui identifie des disparités de l'éducation et nous signale l'urgence d'améliorer le financement de l'éducation sur les réserves des Premières Nations.

Six ans après le décès de Shannen, l'espoir est beaucoup plus grand, mais beaucoup reconnaissent que les experts des politiques continuent de battre le même vieux tambour.

Pendant que je lisais le plus récent article de l'Institut C.D. Howe, Students in Jeopardy (janvier 2016), rédigé par Barry Anderson et John Richards, quelque chose a jeté un froid. Avec une précision clinique, les deux auteurs documentent encore une fois les piètres taux de diplomation des Premières Nations et les « échecs » apparents de ce qui est désigné par les « écoles administrées par les bandes ».

Je me suis demandé ce qu'Anderson et Richards avaient appris de Shannen et de sa croisade de jeunes en faveur des écoles communautaires des Premières Nations?

Quant à ceux qui sont apparemment décidés de documenter les « déficits » et de proposer des réformes structurelles dans l'éducation des Premières Nations, il convient de rappeler quelque chose.

En 2007, Shannen avait 13 ans et se trouvait en 8e année, après avoir passé toutes ses années d'école primaire dans des modules mobiles sordides et mal chauffés. Lorsque le projet de nouvelle école Attawapiskat a été relégué aux oubliettes, elle et ses confrères de classe se sont mis à écrire des lettres ainsi qu'à communiquer par Facebook et You Tube. La Croisade des enfants de Shannen a passé par-dessus la tête des politiciens et des bureaucrates, afin de communiquer le message aux écoles primaires de l'Ontario, aux bureaux syndicaux, à la Colline parlementaire et même à Genève, en Suisse.

Pour Shannen et sa soeur plus âgée, Serena, faire des études secondaires signifiait encore déménager à New Liskeard, en Ontario, à des centaines de kilomètres de leur domicile.

Shannen a été tuée accidentellement dans un accident routier en 2010, lors d'un de ses longs voyages dans le Moyen-Nord, mais son rêve a continué. Prenant en main la compagne des jeunes, le député ontarien Charlie Angus a exercé des pressions en faveur d'une école neuve et réussi à faire adopter une résolution aux Communes en février 2012, afin que « les écoles des réserves deviennent comparables à celles à l'extérieur des réserves ».

En septembre 2014, quatorze ans après la fermeture de l'ancienne école à cause d'une fuite de carburant diesel, une nouvelle école Attawapiskat ouvrait ses portes, et offrait des classes très bien éclairées, une bibliothèque, une salle de musique, une section d'économie domestique et un gymnase. Sans l'« énergie de l'indignation » de la campagne de Shannen, cela ne se serait peut-être pas produit.

Rester à l'école d'Attawapiskat exige encore une incroyable détermination. Une des consœurs de classe de Shaneen, Holly Nakogee, en 12e année en 2014-2015, est typique des véritables survivants. Après la perte de sœur la plus rapprochée, Dakota, peu après la naissance de celle-ci, elle a déménagé vers le sud à trois reprises pour ses études secondaires, revenant à chaque fois avec « le mal du pays ». Dans une collectivité où quelque 95 % des logements sont inférieurs à la norme et l'eau, non potable, obtenir un diplôme d'études secondaires peut sembler irréalisable.

Les enfants des Premières Nations font encore face à de minces probabilités, et peu peuvent parvenir à une vie plus saine, joyeuse et satisfaisante. Regarder tous ces trop familiers diagrammes à barres de l'Institut C.D. Howe, qui montrent les taux de diplomation de 2011 dans les écoles secondaires des Premières Nations, soit 48,9 % pour le Nord de l'Ontario, comparativement à plus de 80 % pour la province, ne peut possiblement communiquer tous le « poids » que supportent les élèves des Premières Nations qui « décrochent » du système.

La stratégie en « sept étapes » de l'Institut C.D Howe, est présentée avec la certitude d'une déclaration du « mordu de la politique » à une distance sécuritaire de la crise qui prend de l'ampleur chez les jeunes des Premières Nations. Les recommandations me laissent tout simplement indifférent : combler les lacunes du financement; se concentrer sur des résultats supérieurs pour les élèves; préciser qui est responsable de quoi; élargir les compétences de la région et des bandes; opter pour des améliorations progressives; cibler les financement des programmes; améliorer les services de soutien du deuxième niveau.

Pareille approche peut produire une amélioration marginale et aider à soulager la conscience torturée des responsables des politiques fédérales et provinciales. Elle n'atteint pas vraiment les racines du problème et fait peu pour habiliter les gens des Premières Nations.

Avec une nouvelle ministre des Affaires autochtones et du Nord., Dr Carolyn Bennett, et davantage de générosité d'esprit partout au pays, le temps de la reconstruction sociale à partir de la base pourrait être venu.

Supporter les industries classiques, créer des emplois durables, moderniser les logements et adopter l'école communautaire des Premières Nations représentent une approche pangouvernementale supérieure. À cet égard, mon propre rapport de l'Institut des politiques du Nord, Picking Up the Pieces (réparer les pots cassés) et dont Jonathan Anuikest est le coauteur (septembre 2014), offre un point de départ beaucoup plus raisonnable.

Respecter les traditions et façons d'apprendre des Premières Nations n'est que la première étape. Davantage de financement aiderait réellement, mais il faudra une génération pour rétablir la confiance, encourager la réconciliation interculturelle, faire participer les Premières Nations elles-mêmes à ce travail d'une importance vitale.

Par Paul W. Bennett, Ed.D., est directeur du Schoolhouse Institute, à Halifax, et attaché supérieur de recherche, Éducation, à l'Institut des politiques du Nord.  Première publication dans Globe and Mail, en février 2016.

 

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