Préservation des coopératives d'habitation : Proposition d'actions concrètes

10 février, 2015 - En Ontario, « il est prévu que plus de 7 000 ménages perdront leur supplément au loyer »[i]. Au fil des ans, les gouvernements provincial et fédéral ont créé des programmes pour aider au développement de coopératives d’habitation sans but lucratif et à loyer indexé sur le revenu. Le logement à loyer indexé sur le revenu (LIR) est du logement subventionné. « Le loyer repose directement sur le revenu du locataire, habituellement 30 % du revenu mensuel brut du ménage. Par contre, si vous recevez de l’assistance sociale, les frais de loyer reposent sur l’allocation pour loyer qui est fixée par le gouvernement de l’Ontario, et n’a donc pas à correspondre au 30 % du revenu mensuel brut »[ii]. Les subventions du LIR sont le plus souvent offertes pour du logement social public; elles le sont également pour du logement coopératif, sans but lucratif et privé. Des subventions ont été offertes aux coopératives dans le cadre d’ententes de paiement d’hypothèque; dans la plupart des cas, elles ont été conclues dans les années 1990, pour des durées de 20 ou de 30 ans. Ces subventions prennent fin à l’expiration de l’hypothèque de l’immeuble. Lorsque le gouvernement fédéral a conclu cet arrangement, c’était le moyen le plus efficace à choisir : il était alors possible de créer des logements abordables et fonctionnant sans devoir les gérer. Il était clair que cet arrangement prendrait fin un jour; aujourd’hui, l’on se demande si quelqu’un est prêt pour ce qui viendra ensuite?

Afin de déterminer les prochaines étapes potentielles, il est important de comprendre la politique qui a mené à ce point. Il s’agit du Programme fédéral des coopératives d’habitation, autrefois le PHI (prêt hypothécaire indexé), qui remonte à 1986. Ce programme prenait la forme d’un essai de cinq ans, financé par le gouvernement fédéral. Le supplément au loyer est le coût partagé avec la province (Programme de supplément au loyer de l’Ontario [PSLO]). La caractéristique la plus connue du PSLO était le prêt hypothécaire indexé. Cela signifiait que des « prêteurs privés étaient invités à couvrir 100 % du coût de l’hypothèque, à un taux d’intérêt variable qui correspondait à un taux d’intérêt fixe plus l’inflation »[iii]. Selon la Co-operative Housing Federation de Toronto, cette caractéristique avait deux effets : (Le 16 octobre 2014. 2.)

  1. Les coûts de la subvention gouvernementale par unité étaient inférieurs à ceux des normes du programme antérieur.

  2. Les paiements mensuels de l’hypothèque de la coopérative ont augmenté avec l’inflation, mais les coûts ont été inférieurs au cours des premières années

Voici d’autres caractéristiques :

  • Au moins 15 % des unités doivent être des logements dont le loyer est établi en fonction du revenu. Il peut y avoir jusqu’à 50 % des logements dont le loyer est établi en fonction du revenu.
  • Les unités qui restent doivent correspondre aux coûts d’occupation du marché. Chaque année il y a des contributions indexées, s’il en faut pour combler l’écart entre les changements de l’économie et ceux du marché, et ce, pour les premières années d’un projet. L’assistance a été réduite après quinze années d’exploitation.

Le programme d’habitation tel que conçu a fait des pas de géant pour le financement et le soutien d’options de logement abordable pour les personnes à faibles revenu et à revenu fixe. Puisque la fin du programme est en vue, il y a diverses opinions quant aux mesures à prendre et à la voie du futur. Certains semblent croire que « puisque les fournisseurs de logement savaient que la question des hypothèques serait soulevée, ils savaient que les ententes prendraient fin parce que les hypothèques seraient payées »[iv].

Même si les fournisseurs de logement ne pourraient plus avoir ce revenu, il est également vrai qu’ils n’auraient plus de dépenses hypothécaires. Une solution est que les conseils d’administration des coopératives puissent maintenir leurs locataires à faible revenu dans leur unité, en fournissant une subvention interne provenant des personnes payant le taux supérieur du marché. Le problème potentiel de cette solution est que de nombreuses coopératives ne peuvent s’offrir une subvention interne. C’est découle du fait que, après plus de 30 ans, les immeubles sont âgés, ont vieilli et besoin de réparations ou de modernisation. La réalité est que l’argent des locations au prix du marché est nécessaire pour payer de coûteuses réparations d’immeubles. Les estimations de la Société canadienne d’hypothèques et de logement ont prévu « que de 2013 à 2014, il y aurait une baisse de financement d’une valeur de 23,3 $ millions de dollars »[v]. La contribution fédérale aux logements abordables était de « 3,6 milliards de dollars en 2010. Elle se trouve à 2 milliards de dollars aujourd’hui, et baissera encore, soit à 1,8 milliard de dollars d’ici 2016, une réduction de 52 % sur une période de six ans[vi]. » Nicholas Gazzard, le directeur exécutif de la Fédération de l’habitation coopérative du Canada a trouvé que « le problème est le contexte fragmenté du logement au Canada, ce qui pourrait facilement être résolu si les provinces et le gouvernement fédéral réglaient le problème collectivement »[vii]. En outre, Gazzard pense que « la solution la plus réaliste et pratique est que les provinces fournissent des programmes de supplément au loyer, afin de remplacer les subventions existantes, mais il incomberait au gouvernement fédéral d’en faire des programmes à frais partagés »[viii].

Bien la solution de Gizzard puisse paraître réaliste globalement, l’idée qu’il soit facilement possible de résoudre la question en l’examinant de plus près est idyllique au mieux. À moins que ces programmes de partage des coûts ne soient renouvelés très bientôt, les obligations de financement des conseils des services municipaux de district pourraient changer. Par exemple, à Thunder Bay, la District Housing Corporation (TBDHC) « sera la seule actionnaire chargée du financement et de l’administration d’environ 2 489 unités de logement social (dont 325 sont des unités d’habitation coopératives), en vertu de la Loi sur les services de logement (LSL) »[ix]. Sans projets unilatéraux officiels, les obligations des conseils d’administration locaux prendront fin pour ces projets. Les fournisseurs de logement dont les ententes d’exploitation ont expiré, ou qui doivent être dégagés de la Loi sur les services de logement par le ministre, n’ont que l’obligation de se comporter conformément à leurs lois d’entreprise; ils ne sont plus assujettis aux conseils d’administration des services sociaux de district. Dans un contexte antérieur et postérieur aux échéances des hypothèques, le gestionnaire des services a la responsabilité, imposée par la loi, de respecter les normes de celle-ci relatives au niveau de service. « Une norme de niveau de service est une obligation réglementaire de financer un nombre spécifique de ménages par un loyer proportionné au revenu (LPR). Le Thunder Bay District Social Services Administration Board (TBDSSAB), a l’obligation permanente de financer 3 601 unités de LPR, conformément à ce que prévoit le c. 6, Annexe 1, par. 40 (1) e la Loi[x]. » Lorsque les niveaux de service ne sont pas liés à des projets spécifiques, le TBDSSAB conclurait de nouvelles ententes avec les fournisseurs de logement subventionnés ou acquerrait des unités du secteur privé afin de respecter les normes des niveaux de service. Il pourrait être difficile de conclure de nouvelles ententes et d’obtenir des fournisseurs qu’ils respectent l’engagement d’offrir des unités de logement de LPR, « car il y a déjà une perte de 2 % par rapport à l’inventaire de 2011; cela est attribuable au fait que des gestionnaires de service aient annulé des ententes de supplément au loyer à l’expiration des hypothèques, afin de louer aux prix du marché en raison du faible taux d’inoccupation dans le district de Thunder Bay ».

Puisque se détériore le Programme fédéral des coopératives d’habitation, il faut apporter des changements proactifs de politique. Pour préserver les coopératives d’habitation au niveau national, il faut élaborer une stratégie nationale du logement qui comprenne le financement continu des projets existants et futurs. Afin de stabiliser les coopératives d’habitation dans le Nord ontarien, « la province aurait besoin de recevoir une part accrue de financement souple et nouveau pour les immobilisations, qui repose sur un modèle de répartition tenant compte des facteurs du Nord (géographie, coûts, pertes d’emploi, tendances démographiques) »[xi]. Des changements concrets pourraient exiger une capacité juridique de conserver les restrictions inscrites au titre, après l’échéance d’hypothèque et l’expiration de l’entente d’exploitation. Subséquemment, pour renforcer l’avenir des coopératives d’habitation, il est essentiel de concevoir des règlements municipaux. Cela assurera que tous les nouveaux développements d’habitation comportent un pourcentage minimal raisonnable d’unités de logement abordables et pour les faibles revenus, ce qui assurerait un avenir viable pour les gens dans le besoin. Actuellement, il n’y a pas de règlements municipaux dans le district de Thunder Bay, qui entourent la création d’habitations abordables. En ce moment, le TBDSSAB a recommandé à son comité d’action politique (CAP) de créer un plan de travail. Ensuite, le TBDSSAB entend discuter avec les représentants de la ville de Thunder Bay. Pour souligner sur la nécessité de règlements municipaux, il y a des étapes importantes qui ont été prévues, à part la défense des droits et les pressions. En vertu du plan pour le logement et les sans-abri, le TBDSSAB fera ceci :

  • Concevra une procédure interne pour surveiller le nombre des unités visées par le supplément au loyer et fera rapport à ce sujet.
  • Fera de la recherche sur les pratiques exemplaires pour l’offre de LPR direct en Ontario.
  • Commencera à recruter de nouveaux propriétaires privés pour le programme de supplément au loyer.
  • Travaillera avec les propriétaires existants afin de conserver les unités de LPR qui sont actuellement offertes.
  • Produira de la documentation traitant du programme de supplément au loyer, à des fins de distribution (97)[xii].

Il est exigé que chaque partie du plan d’action prévoie la mise en marche de LPR amélioré et d’un système de supplément au loyer. Si la demande de nouveaux logements abordables doit être prouvée, il est essentiel de surveiller les données de LPR, d’en faire la publicité et d’évaluer le succès des efforts du TBDSSAB. Afin de respecter les ratios de LPR par rapport aux taux du marché, le conseil des services sociaux du district doit travailler avec le public et les gestionnaires des services d’habitation privés, puis reconnaître publiquement les mérites des propriétaires qui participent au programme. D’après les tendances existantes dans le logement social (elles sont rapportées par le TBDSSAB en juillet 2014), « la demande de logement de LPR correspond à 48 % de toutes les demandes dans le district »[xiii], et exprime donc clairement la demande. Il est important d’avoir un règlement garantissant des unités de LPR futures dans les nouveaux développements d’habitation; pour le faire, il faut la participation de tous les intervenants responsables et leur reddition de comptes.

Par Cheryl Reid

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[i] National Global News. Fears of evictions across Canada as feds end co-op housing subsidy. Le 22 janvier 2014.2.

[ii] Housing Connections. What is rent geared to income housing. Le 13 janvier 2015.http://www.housingconnections.ca/HousingInfo/Rent_geared_to_income.asp

[iii]Co-operative Housing Federation de Toronto. Non-Profit Co-operative Housing Programs. Le 16 octobre 2014.2.

[iv] National Global News. Ibid. 3.

[v] The Globe and Mail. Low-income social housing residents anxious as Ottawa ends subsidy. Le 14 décembre 2013.3.

[vi] Ibid. 4.

[vii] National Global News. Ibid.4.

[viii] Ibid. 4.

[ix] District of Thunder Bay Social Services Administration Board. Under One Roof: A Housing and Homelessness Plan 2014-2024. Juillet 2014. 21.

[x] Ibid. 53.

[xi] Ibid. 21.

[xii] Ibid. 97.

[xiii] Ibid. 52.

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