Nous le Nord?
23 novembre, 2015 - Le président et chef de la direction de l'Institut des politiques du Nord, Charles Cirtwill, a été parfois présenté comme venant du Grand Nord. Charles travaille en fait au bureau de Sudbury de l'Institut des politiques du Nord, ce qui ne correspond guère au « Grand Nord ». Selon la Loi de 2010 sur le Grand Nord de l'Ontario, le Grand Nord est défini par les territoires qui se trouvent au nord de Woodland Caribou et du parc provincial Wabakimi. Thunder Bay se situe à approximativement 200 kilomètres sous la limite sud de Wabakimi, ce qui n'est certes pas le Grand Nord. Lorsque Stephen Leacock a écrit Adventures of the Far North, en 1914, il ne parlait certainement pas de Fort William ou de Port Arthur; sa toile de fond était incontestablement l'Arctique canadien. Qui plus est, en Ontario, il y a des douzaines de collectivités qui se trouvent plus au nord que Thunder Bay. La Première Nation de Fort Severn est probablement la collectivité la plus au nord en Ontario, se trouvant près de la rive ouest de la baie d'Hudson. La collectivité la plus polaire, accessible à l'année longue par transport routier, est celle de Pickle Lake, et c'est encore à 538 kilomètres au nord-ouest de Thunder Bay. N'oublions pas non plus que des endroits tels que Kenora, Neskantaga et Marten Falls sont tous plus au nord que la tête des lacs, mais ne se qualifient pas pour la désignation de « Grand Nord ». Comme guide de référence utile, nous décrirons certaines des limites associées au terme « nord » et, ce qui importe le plus, examinerons ce qu'est le Nord ontarien, où il se trouve et, espérons-le, chasserons certaines idées fausses relatives à la région. Prenez donc s'il vous plaît une chaise, et la leçon de géographie de l'Institut des politiques du Nord débute.
Le Nord de l'Ontario est une expression fourre-tout qui sert à définir les territoires au nord de Parry Sound. En fait, c'est précisément la définition dont se sert la Société de gestion du Fonds du patrimoine du Nord de l'Ontario, bien qu'elle soit un peu plus nuancée, car elle traite le Nord ontarien comme la région « au Nord des districts de Parry Sound et de Nipissing et englobe ceux-ci ». Le Nord de l'Ontario totalise 802 000 kilomètres carrés et comprend presque 90 p. 100 de la masse territoriale provinciale totale. Il contient aussi 803 000 personnes, 278 subdivisions de recensement et 11 districts de recensement. En un mot, il est énorme. Mais peut-on en dire que c’est un territoire nordique? La définition du Nord que donne le gouvernement du Canada est plus rigide et n'englobe même pas l'une des provinces. Comme ils sont décrits dans la Stratégie du Nord, les territoires du Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut sont les seuls endroits désignés par le Nord canadien.
Mais dans quelle mesure sommes-nous véritablement au Nord? Sur le plan national, sauf pour les collectivités du Grand Nord telles que Moosonee et Webequie, les cinq plus grands centres de la région se trouvent tous à des latitudes plus basses que des villes canadiennes majeures, notamment Winnipeg et Vancouver. Au niveau mondial, beaucoup de ces soi-disant collectivités nordiques se situent au sud de Paris, en France, et de Londres, en Angleterre, puis en dessous d'autres villes de la région scandinave et de la Russie (voir le tableau et la carte ci-dessous).
Copie d'écran de latitudes nordiques mondiales. Création à l'aide de Multiplottr
En août dernier, le Parti rhinocéros du Canada, un mouvement politique satirique, dévoilait sa plateforme électorale de 2015; elle comprenait le déménagement de la capitale fédéral vers Kapuskasing, en Ontario. Selon le chef de ce parti, Sébastien Corriveau, Kapuskasing est un emplacement idéal parce qu'il « est stratégiquement mieux situé, soit au centre du Canada ». Il n'est pas étonnant que les Rhinos ne soient pas parfaitement exacts, mais une autre collectivité du Nord ontarien, Thunder Bay, peut à juste titre être considérée comme le cœur du Canada. La tête des lacs se trouve à approximativement 2 700 kilomètres à l'ouest de St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador) et à peu près à une distance égale de la rive ouest de l'île de Vancouver, ce qui porte à poser la question suivante : sommes-nous vraiment le Nord de l’Ontario? Peut-être conviendrait-il davantage de faire référence à la région par l'expression Canada central? Stephen Colbert a un jour fait référence au Canada en le désignant par l’expression chapeau de l'Amérique. Je suis certain que les Ontariens du Nord ne seraient pas plus impressionnés s'ils entendaient dire de notre région qu'elle est la tuque de Toronto.
Il est opportun de surmonter cette crise d'identité du Nord, puisque « Le Nord » a été popularisé récemment par les médias grand public, dans une large mesure grâce à la campagne pour refaire la marque, et ce, par la seule équipe de la NBA du Canada, les Raptors de Toronto. Dans le cadre de cette nouvelle image et attitude, les Raptors ont lancé le slogan « Nous le Nord » pour la saison 2013-2014. Si vous ne tenez pas compte de la grammaire boiteuse, ce slogan s'est assez répandu et a rallié les amateurs de basket-ball de toutes les couleurs, au-dessus du 49e parallèle, surtout pendant la saison des éliminatoires. Néanmoins, il vaut la peine de signaler que ce slogan est encore utilisé par une équipe sportive de Toronto. Les Raptors se trouvent à approximativement 2,5 heures sous la limite la plus au sud du Nord ontarien (Parry Sound). Qui plus est, les seules villes majeures du Canada qui soient géographiquement plus au sud sont Toronto, Hamilton et London. Presque chaque autre ville canadienne majeure pourrait se désigner à plus juste titre par « Nous le Nord ». Lorsque les Raptors ont perdu aux mains de Trail Blazers de Portland le 30 décembre 2014, les Blazers ont utilisé Twitter pour présenter une branche d'olivier aux fervents de Toronto. Tentant de trouver un terrain commun, dans le texte du club se trouvait « Nous le Nord, aussi », car Portland est en fait situé à deux degrés complets plus au nord que Toronto. Cela a ensuite poussé les Wolves du Minnesota à se lancer dans la mêlée, soulignant qu'ils devraient participer au dialogue parce que Minneapolis est également plus au nord que Toronto. Même dans le monde du basket-ball professionnel, le Nord peut être un point de discorde.
Même si le groupe Tragically Hip a avec adoration dit de Saskatoon qu'elle était le « Paris des Prairies », personne ne voit Paris comme le « Grand Nord » de l'Europe. Si nous ne concevons pas la Ville lumière sous des cieux nordiques, pourquoi tenons-nous à recourir à cette notion pour les villes du Nord ontarien qui se trouvent à une latitude inférieure? De plus, ce n'est pas mentionner le fait que North Bay est au sud de Sudbury et que Nickel City se trouve moins au nord que Sault Ste. Marie. Sault Ste-Marie est au sud de Thunder Bay et la tête des lacs, plus au sud que Timmins. Toutefois, Timmins est le Sud, oui, la ville au cœur d'or est plus au sud qu'Edmonton, Regina, Winnipeg et Calgary. Si nous fractionnions la répartition de la population du Canada le long des lignes latitudinales, comme David Taylor l'a fait ici, vous remarqueriez que de nombreux Canadiens vivent bien au nord de beaucoup de villes qui sont habituellement désignées par nordiques. Cela soulève la question : est-ce que notre région est vraiment le Nord? Peut-être est-il temps pour nous de nous emparer de la désignation Centre de l'Ontario.
Par Mike Commito
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