Nord vulnérable : Maladie de Lyme au Canada

8 décembre, 2014 - Ces dernières années, l’habitat des tiques du cerf du sud a commencé à envahir des environnements plus nordiques. Cette expansion (selon les estimations, elle pourrait atteindre 46km/an) découlerait d’une combinaison du changement climatique et du transport par des tiques se servant de souris à pattes blanches et d’oiseaux migratoires[i]. Avec les tiques vient une menace grandissante pour les gens du Nord, à savoir les pathogènes potentiellement débilitants qui résident dans un pourcentage de la population des tiques (ce qui varie entre 1 % et 60 % selon la disponibilité du système hôte)[ii]. Le plus inquiétant ici est le spirochète Borrelia burgdorferi (bactérie en forme de tire-bouchon), l’agent responsable de la maladie de Lyme, qui est en hausse au Canada en raison de la propagation des tiques du cerf.

Parmi les premiers stades de la maladie de Lyme se trouvent une éruption cutanée (erythema migrans) là où la tique mord et des symptômes, modérés à graves, analogues à la grippe[iii]. Ces symptômes, s’ils ne sont pas remarqués ou traités, peuvent entraîner plus tard de graves troubles cardiaques, rhumatoïdes ou neurologiques. Bien que la maladie puisse être facilement guérie par des antibiotiques, entre 10 et 20 % des patients qui ont un diagnostic confirmé peuvent avoir une affection désignée par syndrome de la maladie de Lyme de post-traitement (SMLP), dont les symptômes sont aussi incapacitants que ceux des derniers stades de la maladie. Pour compliquer davantage les choses, la controverse liée au diagnostic et au traitement de la maladie de Lyme a divisé le monde médical au Canada et ailleurs, certains membres y adoptant la croyance selon laquelle les infections sont rares et peuvent être traitées sans difficultés, mais d’autres s’interrogent sur tous les aspects de la maladie.

En dépit de la controverse entourant la maladie de Lyme, ce qui a réuni ce monde médical divisé est le nombre croissant des cas « légitimes ». En 2009, la maladie de Lyme devenait une maladie à déclaration obligatoire à l’échelle nationale au Canada et comptait 128 cas cette année-là[iv]. En 2012, 315 cas ont été rapportés. Pire encore, beaucoup d’organismes, y compris le Centre for Disease Control (CDC), croit qu’il existe une pratique latente de ne pas rapporter tous les cas, que ce soit par les médecins ou les patients, en raison de mesures médiocres pour les diagnostics et de perceptions erronées relatives à la maladie. Le nombre estimatif de cas réels est probablement dans les milliers[v] (pour voir la propagation des cas confirmés dans les États américains et un exemple de la rapidité de la propagation de la maladie de Lyme, consultez http://www.cdc.gov/lyme/stats/maps/interactiveMaps.html). Heureusement, après des années de pétitions de patients et de défense des droits de ceux-ci, les pathogènes et la vague croissante des cas de maladie de Lyme ont permis de faire des progrès, sous la forme du projet de loi d’initiative parlementaire C-442[vi].

Le projet de loi C-442, loi concernant le cadre fédéral relatif à la maladie de Lyme (antérieurement, la Loi sur la stratégie nationale relative à la maladie de Lyme) représente une première étape de la gestion du problème de cette maladie au Canada, d’une façon significative. Ce projet de loi a été présenté par la chef du Parti vert, Elizabeth May, avec l’appui de l’Association médicale canadienne (AMC) et le Collège des médecins de famille; la deuxième lecture a eu lieu au Sénat le 30 septembre 2014. S’il est adopté, le projet de loi C-442 exigera que tous les ministres provinciaux et territoriaux de la Santé rencontrent les représentants du monde médical et des groupes de défense des droits, avec l’intention d’élaborer un cadre fédéral reconnaissant effectivement et adéquatement les enjeux et problèmes associés au diagnostic et au traitement de la maladie de Lyme. Alors, le projet de loi C-442 permettrait de concevoir des pratiques exemplaires ayant obtenu l’unanimité pour la maladie de Lyme, le tout reposant sur de la recherche solidement documentée. En outre, l’Agence de la santé publique du Canada a rendu public un plan d’action pour aider à éduquer la population canadienne, afin qu’elle agisse de façon préventive dans la gestion des tiques et de la maladie de Lyme (par des vérifications de tiques, la réduction de l’exposition cutanée dans les espaces boisés, l’indication de ce qu’il faut faire en cas de morsure) dans les collectivités, puis que soient élaborés de nouveaux protocoles et de nouvelles connaissances, acquises grâce au financement de recherche[vii]. Bien que le projet de loi C-442 et le plan d’action de l’Agence de la santé publique aient été critiqués [viii] [ix], très peu de personnes ne croient pas que ce projet de loi soit un pas en avant important pour comprendre la maladie de Lyme et pour lutter contre elle sur une plus grande échelle que jamais auparavant.

Tournons encore notre regard vers le Nord. Même si des voix du Sud du Canada ont été largement responsables des progrès face aux problèmes de la maladie de Lyme dans le pays, les répercussions du projet de loi pourraient être particulièrement importantes pour le Nord. La raison comporte deux volets. D’abord, dans le Sud, si une personne constate une morsure de tique, elle peut presque immédiatement se rendre à une clinique ou chez un médecin généraliste, et il y aura des tests en temps opportun ainsi qu’un traitement, le cas échéant. Dans certaines collectivités du Nord, l’accès aux services de santé peut être retardé, ce que prolonge l’étape du diagnostic. Ce délai peut laisser aux spirochètes du temps additionnel pour se propager à d’autres parties du corps, compliquer le diagnostic et nuire aux résultats du traitement. Ensuite, les personnes vivant dans des secteurs ruraux, moins développés, sont beaucoup plus exposées aux habitats potentiels de tiques que ceux du Sud du pays, ce qui expose les gens du Nord à plus de risques de morsures pendant que se propage la maladie. Cette capacité moindre de gérer les cas possibles de Lyme, jointe à l’exposition accrue à des emplacements potentiels d’habitats de tiques, place le Nord dans une position particulièrement vulnérable. Si la situation n’est pas surveillée, les cas de Lyme dans le Nord se multiplieront inévitablement, se traduisant par des fardeaux personnels, sociaux et économiques importants.

Avec de la chance, le projet de loi C-442 permettra de sensibiliser les gens davantage et de mieux réagir dans toutes les collectivités au Canada, tout en produisant simultanément de la recherche plus approfondie ainsi que des interventions et des politiques pour combattre la maladie de Lyme. Pour le moment, des approches préventives pour éviter les tiques devraient être adoptées par tous, et les organismes de santé devraient favoriser des campagnes de sensibilisation et de sécurité.

À Sudbury (Ontario), par exemple, l’unité sanitaire de Sudbury et du district a lancé un avertissement publicitaire pour la maladie de Lyme, « soyez à l’affût des tiques », dans la région du Grand Sudbury. Cette publicité[x] et la page Web décrivant la maladie, la symptomatologie et les mesures préventives découlent des inquiétudes reliées à deux cas de maladie de Lyme qui ont été rapportés à Sudbury au cours des deux dernières années[xi].

Par Eric Gloster

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[i] Leighton, P. A., Koffi, J. K., Pelcat, Y., Lindsay, L. R. et Ogden, N. H. (2012). Predicting the speed of tick invasion: An empirical model of range expansion for the lyme disease vector ixodes scapularis in Canada. Journal of Applied Ecology, 49(2), 457-464. doi:10.1111/j.1365-2664.2012.02112.x

[ii] Pourcentage des tiques infectées

http://www.phac-aspc.gc.ca/id-mi/tickinfo-fra.php

[iii] Agence de la santé publique du Canada – Symptômes de la maladie de Lyme

http://www.phac-aspc.gc.ca/id-mi/lyme/symptoms-symptomes-fra.php

[iv] Agence de la santé publique du Canada – Surveillance

http://www.phac-aspc.gc.ca/id-mi/lyme/surveillance-fra.php

[v] « Lyme disease: Tiny tick, big problem » CBC Health

http://www.cbc.ca/news/health/lyme-disease-tiny-tick-big-problem-1.1325529

[vi] Projet de loi C-442

http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?Mode=1&DocId=6646210&Language=F

[vii] Agence de la santé publique du Canada – Plan d’action

http://www.phac-aspc.gc.ca/id-mi/lyme-plan-fra.php

[viii] « Elizabeth May’s Lyme Disease Bill Needs Science, Not Emotion », par Michael Kruse

http://www.huffingtonpost.ca/michael-kruse/lyme-disease-elizabeth-may_b_4878629.html

[ix] « Health Canada’s new Lyme disease plan: You act, we’ll watch », par Annie Kingston

http://www.macleans.ca/society/health/health-canadas-new-lyme-disease-plan-you-act-well-watch/

[x] Page Web de l’unité sanitaire de Sudbury et du district, consacrée à la maladie de Lyme

http://www.sdhu.com/content/search/doc.asp?doc=8539&q=lyme&lang=0

[xi] Cas de maladie de Lyme à Sudbury

http://www.nomj.ca/2014/07/01/health-unit-urges-vigilance-for-lyme-disease.html

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