Les cyberconsommateurs du Nord veulent payer moins de taxes

21 novembre 2016 - Faites-vous des achats en ligne? Êtes-vous canadienne ou canadien? Si vous avez répondu « oui » à ces deux questions, il est probable que vous vous faites avoir. Enfin, le mot est peut-être un peu fort, mais pas trop.

Au Canada, il est possible d’acheter ou d’importer en ligne n’importe quel article coûtant moins de 20 $ sans avoir à payer de droits et de taxes. C’est ça, 20 $. Je sais, maintenant nous allons tous nous précipiter sur Amazon.com. (P.S. C’est bien 20 $ CA, donc environ 15 $ US).

Ce montant de 20 $ est ce qu’on appelle le « seuil de minimis ». Il s’agit du seuil d’exemption sous lequel aucune taxe ou aucun droit de douane n’est exigé et où les procédures de dédouanement sont minimes. Selon un rapport récent de C.D. Howe, le seuil canadien est « parmi les plus bas au monde, et le plus bas parmi tous les pays industrialisés. Il a été mis à jour il y a plusieurs décennies et il n’a pas été ajusté depuis, même pas pour l’inflation ».

Pensez-y bien. Au cours des vingt-cinq dernières années, nous avons assisté à une importante libéralisation du commerce mondial. Nous avons été témoins de l’évolution de l’ordinateur comme accessoire quotidien, de l’avènement de l’impression 3D et d’une croissance exponentielle du commerce en ligne. Cependant, avec tout cela, au Canada on n’a même pas ajusté notre seuil minimum de 20 $ pour tenir compte du taux d’inflation. Aujourd’hui, vous pouvez probablement acheter avec 20 $ ce que vous auriez pu obtenir pour 10 $ il y a des « décennies ».

À des fins de comparaison, Barack Obama vient d’augmenter le seuil américain à 800 $ (soit 800 $ US). Le seuil de l’Australie est de 756 $, et celui de la Nouvelle-Zélande est de 272 $ (en devises locales). Même des pays comme le Chili et le Vietnam ont des seuils plus élevés que celui du Canada.

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Cette situation est intenable. Dans les régions à fortes populations rurales et isolées, ou encore dans les centres urbains très éloignés des grands marchés — le Nord de l’Ontario, par exemple — cela est inexcusable. Cette règle désuète veut dire que tout ce qu’on achète dans le Nord de l’Ontario coûte inutilement plus cher.

Les droits et les taxes ont pour objet de faire augmenter le prix des articles importés, à la fois pour générer des recettes gouvernementales et pour protéger les producteurs canadiens. À dessein, tout ce qui est entièrement ou partiellement fabriqué ou acheté à l’extérieur du pays coûtera plus cher. Les frais d’administration reliés à toute taxe ou droit feront également augmenter les prix. Notamment, les coûts additionnels occasionnés par les retards à la frontière s’ajoutent aux frais de transport déjà plus élevés pour acheminer les produits dans le Nord de l’Ontario.

Les articles produits localement, même ceux ne contenant aucun produit étranger, coûteront également plus cher. Sans concurrence des importations, il est probable que la demande dépassera l’offre. Les gens seront prêts à payer davantage et les commerces pourront hausser leurs prix. 

Ce ne sont pas seulement les consommateurs qui doivent faire face à des coûts plus élevés en raison de notre seuil désuet. Les petites, moyennes et grandes entreprises sont toutes confrontées à des défis uniques à cause de cet obstacle au commerce, à savoir l’augmentation du coût des intrants, les frais d’administration plus élevés et les retards aux postes frontaliers. Bien sûr, les commerces d’importation et les services de messagerie ne sont pas très chauds à l’idée d’un seuil plus élevé, car celui-ci a des répercussions directes sur leurs services et fait augmenter leurs coûts.

Dans une large mesure, un seul groupe profite directement du seuil artificiellement bas de l’importation : les entreprises en concurrence avec les importateurs. Pour celles-ci, il s’agit d’un moyen d’éviter la concurrence — et plus particulièrement, la concurrence des vendeurs étrangers non assujettis aux taxes sur les ventes ou sur la valeur ajoutée que les entreprises nationales peuvent toujours avoir à payer. La question reste à savoir si on devrait permettre aux intérêts de ce seul groupe d’avoir plus d’importance que ceux de presque tous les autres groupes. Dans la plupart des autres pays, la réponse est non. Ou plutôt, l’équilibre entre la réduction des coûts et la protection des producteurs locaux a été fixé beaucoup plus haut.

Pour en revenir à l’analyse de C.D. Howe, les auteurs ont examiné trois différents niveaux pour le seuil canadien : 80 $, 200 $ et 800 $. À chaque niveau, les consommateurs bénéficieraient d’une diminution des coûts, d’une augmentation des services et d’une livraison plus rapide. Le gouvernement ferait également des économies puisqu’en réalité, les frais liés à la perception des taxes et des droits sur les articles de moins de 20 $ sont plus élevés que le montant même des taxes et des droits. Avec des seuils d’exemption plus élevés, Postes Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada pourraient toutes les deux faire des économies à l’échelle mondiale, ou elles pourraient redistribuer ces ressources en percevant des droits et taxes sur des articles à coûts plus élevés, ou encore améliorer d’autres types d’efforts d’application.

En d’autres mots, un gouvernement plus productif et efficace, une réduction des coûts pour les consommateurs, une plus grande valeur pour les entreprises et moins de retards à la frontière. Inscrivez-moi.


Charles Cirtwill est président et chef de la direction de l’Institut des politiques du Nord, un groupe indépendant de réflexion sociale et économique sont le siège social est dans le Nord de l’Ontario. Première publication dans Northern Ontario Business, en octobre 2016.

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