Le transport collectif n'est pas qu'une préoccupation urbaine

20 janvier, 2015 - Le transport collectif est généralement perçu comme un problème « urbain »[1]. Toutefois, le Nord ontarien correspond globalement à de petites collectivités et à seulement cinq grandes villes (le Grand Sudbury, Thunder Bay, Sault Ste. Marie, North Bay et Timmins) qui ont plus de 30 000 habitants[2]. Les déplacements, peu importe la taille de la collectivité, sont un aspect essentiel de la vie. Les personnes doivent se rendre à des endroits afin de participer à diverses activités :

  • alimentation de base et vêtements;
  • services de santé et médicaux;
  • éducation ou emploi (navette);
  • services publics, courrier, etc.;
  • activités sociales ou loisirs[3].

La mobilité de base pour toutes les personnes devrait être considérée comme un droit. Toutefois, de nombreuses personnes ne peuvent trouver réponse à leurs besoins par suite du manque d’options de transport. Cette incapacité se traduit par de l’exclusion sociale ou de l’isolement, ce qui a des effets négatifs sur le bien-être d’une personne et celui de la collectivité. Les Ontariens du Nord sont particulièrement exposés à l’exclusion sociale à cause de leur emplacement éloigné, du climat rigoureux et du manque d’options de transport.

La plupart des collectivités petites et rurales ont une culture dominée par l’automobile[4]; par conséquent, il est souvent supposé par les administrations locales et les décisionnaires que tous les résidants ruraux ont accès à une automobile personnelle[5]. Toutefois, ce n’est simplement pas notre cas. Les zones rurales ont une grande proportion de personnes âgées. Selon Transports Canada, les personnes âgées sont les utilisatrices dominantes du transport collectif, car beaucoup d’entre elles ne peuvent plus conduire ou décident de ne plus le faire[6]. Il est prévu que la proportion des personnes âgées dans les zones rurales continuera de prendre de l’ampleur avec la hausse du nombre des résidants de 65 ans et plus. Pendant ce temps-là, la proportion des jeunes dans les zones rurales se rétrécit, car les jeunes surmontent les difficultés du transport et le manque d’emplois, mais en déménageant dans des zones urbaines[7].

Il est difficile de justifier un système de transport pour des collectivités petites ou rurales. Les critiques prétendent que les populations peu nombreuses n’ont pas assez de voyageurs pour justifier un système de transport en commun et pour le financer. Le financement et l’exploitation d’un tel système relève dans une large mesure de l’administration municipale[8]. Toutefois, les collectivités rurales manquent des ressources nécessaires. Une modeste base fiscale a des moyens financiers limités, et le manque de personnel fait que celui-ci est déjà trop occupé par les activités quotidiennes et ne peut donc gérer adéquatement un système de transport en commun. Les gouvernements provincial et fédéral offrent des programmes de financement, mais il reste que c’est l’administration municipale qui a l’obligation de préparer et de présenter la demande[9].

Actuellement, parmi les méthodes de transport pour les collectivités petites ou rurales se trouve le « rattachement » au système existant d’une zone urbaine à proximité. Cette approche a servi à des collectivités rurales près d’Ottawa; toutefois, cela ne vaut que pour les collectivités de banlieues, ce qui n’est pas le cas pour la majeure partie du Nord ontarien. Une autre pratique répandue est d’offrir un service spécialisé de transport, destiné à un petit groupe de personnes et dont les décisionnaires croient que celui-ci a besoin, notamment les handicapés. Souvent, le service spécialisé comprend un petit nombre d’automobiles et de fourgonnettes; il est en général exploité par un organisme sans but lucratif ou caritatif dont une grande partie des travailleurs sont des bénévoles[10]. Un tel service ignore les besoins des autres personnes et familles aux prises avec des problèmes de mobilité[11].

Le transport en commun dans les collectivités petites ou rurales exige une collaboration supérieure entre les divers intervenants (administration municipale, organisme sans but lucratif, sociétés privées), afin de financer puis d’exploiter de façon efficiente le service. Un système rural se sert d’une variété de moyens de transport, depuis les fourgonnettes jusqu’aux petits et même gros autobus. Dans le comté de Kings, en Nouvelle-Écosse, le service d’autobus comprend cinq itinéraires, six jours par semaine, et ce, entre cinq municipalités rurales, tandis qu’à Hinton, en Alberta, le services est offert par fourgonnettes[12]. Un modèle classique de transport collectif qui comprend un horaire et des itinéraires fixes ne répond pas toujours aux demandes de déplacements des résidants ruraux; diverses approches de transport peuvent alors être utilisées. De nombreuses petites collectivités exploitent un système « hybride », à savoir un mode de transport qui sert à plusieurs fins. Par exemple, permettre aux résidants de bénéficier de places libres dans des autobus scolaires ou des taxis et qui prennent d’autres passagers pendant un trajet[13]. L’administration locale devrait s’entendre avec les responsables de services existants dans leur collectivité, notamment les services spécialisés exploités par des organismes sans but lucratif ou caritatifs, plutôt que de mettre sur pied un service municipal entièrement nouveau. L’administration locale peut aider à élargir le service spécialisé, afin de modifier les critères d’admissibilité stricts pour les passagers, et ce, en offrant du financement additionnel servant à des activités quotidiennes ainsi qu’à de nouveaux véhicules, puis à cultiver l’enthousiasme chez les bénévoles[14].

Le besoin de transport collectif et son efficacité sont difficiles à quantifier, car leur importance dépasse le simple nombre des voyageurs ou l’équilibre budgétaire. Le transport collectif pour les collectivités petites et rurales comporte de nombreux avantages, dont l’amélioration du bien-être social des résidants, une réduction de la dépendance de l’automobile (l’abaissement des répercussions connexes sur l’environnement) et l’amélioration de l’économie locale. Le transport collectif ou les options de transport

réduisent le besoin de programmes sociaux, en permettant de répondre aux demandes individuelles axées sur l’accès aux besoins de base, aux services de soins de santé et à des activités de loisir; aident à conserver des employeurs et des résidants, en permettant d’accéder à des employeurs isolés du secteur primaire, dont des scieries, des mines et l’agrinégoce; permettent de fournir aux familles un endroit attrayant pour élever leurs enfants à l’extérieur d’un grand milieu urbain[15]. En dépit des difficultés, le transport collectif peut aider à éliminer des restrictions liées à l’inclusion sociale que subissent déjà de nombreux Ontariens du Nord. Faciliter pour les personnes, où qu’elles se trouvent, quel que soit leur âge ou leur santé, la possibilité de voyager afin de participer à la vie de la société réduit grandement la dépendance de la région en matière d’aide sociale.

Document rédigé par Julien Bonin, chercheur à l’Institut des politiques du Nord

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[1] Transports Canada. (2006) Le transport durable dans les petites collectivités et les collectivités rurales. Programme de démonstration en transport urbain : Case Studies in Sustainable Transportation, Issue Paper 61, June 2006.

[2] Statistique Canada

[3] Litman, T. (2003) Social Inclusion As A Transportation Planning Issue in Canada. Vitoria Transport Policy Institute.

[4] Noxon Associates Limited (2009) Improving Travel Options in Small and Rural Communities. Transports Canada, TP 14945E.

[5] Transports Canada. (2006) Le transport durable dans les petites collectivités et les collectivités rurales. Programme de démonstration en transport urbain : Case Studies in Sustainable Transportation, Issue Paper 61, juin 2006.

[6] Transports Canada. (2006) Le transport durable dans les petites collectivités et les collectivités rurales. Programme de démonstration en transport urbain : Case Studies in Sustainable Transportation, Issue Paper 61, juin 2006.

[7] Noxon Associates Limited (2009) Improving Travel Options in Small and Rural Communities. Transports Canada, TP 14945E.

[8] Litman, T. (2003) Social Inclusion As A Transportation Planning Issue in Canada. Vitoria Transport Policy Institute.

[9] Noxon Associates Limited (2009) Improving Travel Options in Small and Rural Communities. Transports Canada, TP 14945E.

[10] Noxon Associates Limited (2009) Improving Travel Options in Small and Rural Communities. Transports Canada, TP 14945E.

[11] Litman, T. (2003) Social Inclusion As A Transportation Planning Issue in Canada. Vitoria Transport Policy Institute.

[12] Noxon Associates Limited (2009) Improving Travel Options in Small and Rural Communities. Transports Canada, TP 14945E.

[13] Noxon Associates Limited (2009) Improving Travel Options in Small and Rural Communities. Transports Canada, TP 14945E.

[14] Noxon Associates Limited (2009) Improving Travel Options in Small and Rural Communities. Transports Canada, TP 14945E.

[15] Noxon Associates Limited (2009) Improving Travel Options in Small and Rural Communities. Transports Canada, TP 14945E.

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