La santé des centres de soins palliatifs dans le nord de l'Ontario

27 février 2017 - Nous économisons pour la retraite. Nous rédigeons des testaments. Mais combien d'entre nous investissent de plus des ressources pour la planification des soins de fin de vie? En ce qui concerne les périodes importantes de nos vies, la mort en est une à laquelle nous ne pensons pas tellement. Dans une culture du progrès personnel, nous semblons avoir l'idée fixe d'avoir la meilleure vie, mais nous nous préoccupons moins de notre façon de mourir. C'est peut-être parce que nous supposons naïvement que nous mourrons à domicile; ce peut aussi être la peur de la mort et éviter d'y penser. Quelle que soit la raison, avec une population vieillissante et un système de soins de santé en difficulté financière, c'est un point que nous devons aborder. 

Bien que la plupart des personnes souhaitent mourir à domicile, c'est souvent peu pratique ou irréaliste. Certes, en 2012, par exemple, approximativement 63 % des Canadien sont morts à l'hôpital[1]. Toutefois, à moins d'exiger des soins hospitaliers, l'admission est problématique. Les hôpitaux, souvent encombrés, sous-financés et manquant de personnel, peuvent causer un stress inutile chez les personnes en toute fin de vie. Certains pourraient même prétendre que le véritable mandat de l'hôpital, à titre d'établissement qui sauve la vie, ne convient pas pour répondre aux besoins de ceux qui la quittent. De plus, les soins hospitaliers sont coûteux. D’ailleurs des estimations suggèrent qu'un lit de services de soins intensifs coûte jusqu'à 1 100 $ par jour en Ontario. Ainsi, transférer le malade en phase terminale dans un lit l'hôpital, vers un milieu de soins plus adéquat, serait donc une décision sage des points de vue social et économique.

Une telle option de rechange pour les soins est l'hospice, résidence d'allure privée, qui offre des soins de fin de vie aux personnes pour lesquelles il reste trois mois ou moins de vie. Les patients sont admis à un hospice lorsqu'ils sont incapables de demeurer à leur domicile ou souhaitent quitter celui-ci, mais sans avoir besoin de soins médicaux en milieu hospitalier. Semblables aux hôpitaux, les hospices offrent à leurs résidants des soins 24 heures par jour, mais contrairement aux hôpitaux, ils ont aussi des heures de visite sans restriction, un soutien à la famille lors du deuil, et l'accent est mis sur d'autres soins – maximiser le confort de la personne malade au lieu du prolongement de sa vie. Il a été trouvé que les hospices offrent des niveaux supérieurs de soins aux patients et ont de meilleurs taux de satisfaction de la part des familles endeuillées[2].

Il y a une pénurie de lits d'hospice en Ontario. Le Service de santé de la région de Fraser, en Colombie-Britannique, qui est largement considéré comme chef de file des hospices résidentiels au Canada, offre huit lits d'hospice par 100 000 personnes; l'Ontario se trouve bien en dessous de ce repère, à 1,54 lit par 100 000. Le Nord ontarien est près de la moyenne provinciale, mais cela cache la disparité considérable qui existe entre ses deux régions. En 2015, Le Nord-Est ontarien avait 3,53 lits par 100 000 habitants, quant au Nord-Ouest, il n'en avait aucun[3]. Afin d'atteindre le nombre recommandé de lits d'hospice en Ontario – entre 755 et 1 080 selon le Rapport annuel 2014 de la vérificatrice générale de l'Ontario – avec le lot existant de 271 lits et de 196 lits prévus, l'Ontario devrait s'engager à créer entre 388 et 613 lits additionnels. Mais il faut se demander si l'Ontario peut se permettre de faire cet investissement?

La dépense pour les soins de santé était la plus élevée de la province, représentant approximativement 42 % de toutes les dépenses des programmes de l'Ontario en 2015. Certes, au Canada, 45 % de tout l'argent public en soins de santé sert pour les Canadiens de 65 ans et plus, en dépit du fait qu'ils représentent moins de 15 % de la population. De plus, les dépenses pour les aînés ne devraient qu'augmenter puisque le virage démographique augmente la taille de ce segment de la population. Dans le Nord-Est ontarien, par exemple, les aînés devraient représenter 31,3 % de la population d'ici 2041, en hausse par rapport aux 18,8 % en 2013. Ainsi, s'il faut réserver des fonds pour les futurs hospices dans un budget de soins de santé provincial déjà serré, puis qui le sera bientôt encore davantage, il faudra que les hospices affichent un certain niveau de rentabilité.

Bien qu'il y ait certaines données probantes indiquant que les hospices pourraient être rentables, il n'y a pas eu assez de recherche pour justifier clairement cette affirmation. Les plus grosses économies découleraient probablement du transfert des patients, depuis les hôpitaux vers les hospices. Selon le Rapport annuel 2014 de la vérificatrice générale de l'Ontario, les lits des services d'hospice devraient coûter moins de la moitié de ceux des hôpitaux pour les services de soins intensifs. Si un lit de services de soins intensifs représente approximativement 1 100 $ par jour, le lit d'hospice ne coûte que 460 $ par jour. Toutefois, étant donné qu'il y a souvent pénurie de lits de soins intensifs, ces lits seraient probablement utilisés par d'autres patients et, par conséquent, les économies de coûts pourraient ne pas se matérialiser. Autrement dit, les économies potentielles découlant du transfert des personnes, depuis les hôpitaux vers les hospices, pourraient ne pas se concrétiser car ces lits seraient rapidement utilisés par d'autres patients exigeant des soins hospitaliers. Alors, l’un des principaux avantages des hospices pourrait plutôt être de réduire la période d'attente de ceux qui doivent accéder aux lits hospitaliers et d'assurer que ceux ayant besoin de soins hospitaliers les obtiennent. Globalement, les experts sont d'accord pour affirmer que davantage de recherche sur les hospices résidentiels doit être faite, afin de déterminer leur rentabilité.

En fin de compte, l'Ontario doit concevoir une approche pour les soins complets de fin de vie et y donner suite, puis permette ainsi à ses citoyens de mourir dans la dignité, sans grever le budget provincial des soins de santé. Au fur et à mesure que la population vieillit, l'importance de trouver une solution ne fera que grandir. Les hospices représentent une partie de cette solution générale. Avant de connaître l'ampleur du rôle que joueront les hospices, il faudra plus de recherche sur leur rentabilité.


[1] Calcul de l'auteur, fondé sur le tableau CANSIM 102-0509, Statistique Canada, extrait de : http://www5.statcan.gc.ca/cansim/a26?id=1020509&lang=fra&retrLang=fra.

[2] Il a été trouvé que les hospices britanniques offraient des niveaux plus élevés de soins que les unités de soins intensifs, même si le personnel de ces hospices avait de plus lourdes charges de travail. Source : https://www.nursingtimes.net/clinical-archive/end-of-life-and-palliative-care/hospice-wards-better-staffed-and-better-quality/5031983.fullarticle.

[3] Les lits d'hospice résidentiel sont des lits qui se trouvent dans des hospices autonomes. Cette définition exclut les lits d'hospice qui se trouvent dans les hôpitaux. Dans le Nord-Ouest ontarien, Thunder Bay a 10 lits d'hospice à l'hôpital St. Joseph. Pour davantage d'information, voir http://www.cbc.ca/news/canada/thunder-bay/thunder-bay-hospice-unveils-renovated-rooms-1.1876096


Lauren Rainsford est une stagiaire politique à l’Institut des politiques du Nord.

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