La fracture numérique : l'accès Internet dans le Nord de l'Ontario

Le 14 novembre 2016 - Pour la majorité des gens, l’utilisation d’Internet fait partie intégrante de leur vie de tous les jours. Ayant pénétré dans nos vies quotidiennes, il est devenu un outil indispensable dans les milieux du travail, du commerce, de l’éducation et des soins de santé, et sert de lieu de rassemblement global pour l’échange ouvert et démocratique des idées. Les résidents des centres urbains ont tendance à avoir accès à une connectivité en ligne sans faille leur permettant de payer leurs factures à tout moment, dans le confort de leur propre foyer - et même d’obtenir un diplôme. Ceci pose la question intéressante de savoir si les services Internet haute vitesse, à prix abordable, devraient être un droit légal, ou du moins, un service de base. Cette question s’avère particulièrement pertinente pour les Nord-Ontariens qui vivent dans des régions rurales ou éloignées et qui, en raison du facteur géographique, habitent suffisamment loin des centres urbains pour se trouver défavorisés sur les plans social et économique.

En 2011, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) n’a pas inclus Internet haute vitesse dans sa définition de « services de télécommunication de base ». C’est-à-dire que les sociétés de télécommunication n’ont aucune obligation légale de fournir la haute vitesse comme un service de base abordable pour la population. Selon l’objectif établi par le CRTC en 1999, tous les Canadiens et Canadiennes ont un accès garanti à des services de télécommunication économiques et efficaces qui relèvent de ses limites inscrites. Ce principe de service de base inclut Internet à faible vitesse, ce qui, superficiellement, semble assez équitable. Par contre, ce sentiment disparaît vite lorsque l’on fait l’expérience de l’accès par ligne commutée, un processus qui risquerait de nous fossiliser dans l’attente d’un téléchargement.

Les collectivités rurales et éloignées du Nord de l’Ontario sont toujours confrontées à des problèmes concernant les coûts et l’accès à Internet. Pour la Première Nation de Thessalon, située au long de la périphérie de Sault Ste Marie, le service Internet par satellite est fourni aux résidents par Xplornet. Le seul problème, c’est que ce système a été critiqué pour ses ruptures, son coût élevé et sa lenteur aux heures de pointe. Sans surveillance appropriée, il paraît que les factures Internet peuvent grimper jusqu’à des centaines de dollars par mois. Autrement, Bell offre une autre option pour les membres de cette communauté, soit les stations fournissant l’accès Internet utilisant des forfaits de données.

Dans les plus petites collectivités, il ne suffit pas de diriger les résidents vers les points d’accès publics, car ces espaces n’existent pas dans certains milieux ou bien leurs heures d’ouverture sont irrégulières. Le seul point d’accès public de la Première Nation de Thessalon se trouve à la bibliothèque municipale, qui n’opère que quatre ou cinq heures par jour, quatre jours par semaine. Étant donné que 40 % de la communauté est composée de jeunes, la connectivité numérique est de la plus haute importance pour les brancher à l’univers des idées. Mais plus important encore, si les jeunes sont branchés au niveau communautaire, ils seront davantage portés à demeurer dans leur collectivité à long terme (Ashawasega, n. pag.).

Il s’agit alors d’une question d’accès ou de services. Dans un rapport rédigé en 2015, la Commission de haut-niveau pour le développement numérique a noté une distinction importante entre les deux notions. L’accès permet des services équivalents pour chaque personne dans un espace communautaire, ce qu’on appelle aussi l’accès partagé, alors que le service universel permet des services privés pour chaque individu ou foyer (64). Ceci est important, car les gens mal desservis ou ne pouvant se payer cet accès doivent adapter leur style de vie selon l’accessibilité, se déplaçant souvent sur de longues distances pour pouvoir accéder à des renseignements importants liés à l’éducation, à l’emploi et à la santé. Ceci signifie une dépense de temps et de ressources, ce qui se traduit par un désavantage géographique. Lorsqu’Internet permet d’accéder à des services essentiels pour la santé et les possibilités, tout en fondant l’accessibilité sur le potentiel de profit des fournisseurs de services non réglementés, ceci crée ce qu’on appelle une « fracture numérique ».

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La Première Nation de Serpent River, située à 141 km à l’ouest de Sudbury, accepte actuellement des demandes de propositions afin de fournir un accès Internet haute vitesse à sa communauté. Actuellement, le WiFi public n’est pas acceptable, car il y a trop de distance entre les espaces communautaires. Alors que les stations Bell sont disponibles pour les résidents, comme tel est le cas à la Première Nation de Thessalon, le service est souvent lent et extrêmement coûteux (Bissiallon, n. pag.). Malgré certaines de ces limites, la Société du développement de la Première Nation de Serpent River a créé un poste de traite dynamique en ligne mettant en vedette une éblouissante collection d’œuvres d’art de haute qualité qu’on peut acheter à partir du site web. Celui-ci proclame avoir la plus grande collection du Nord de l’Ontario et illustre les possibilités que peuvent offrir les services haute vitesse aux communautés éloignées. Le site leur fournit l’occasion de voir et d’être vus et de mettre en valeur leur patrimoine et leur capital sur le Web.

En ce qui concerne l’économie numérique, pour les petites collectivités isolées dont les emplacements physiques offrent peu de possibilités à l’industrie, un accès Internet haute vitesse de qualité pourrait faire ou défaire un entrepreneur numérique débutant. Les démarrages de commerces électroniques ne sont pas que des châteaux en Espagne. Le Programme BEAM de FedNor (programme large bande pour les affaires électroniques et le marketing) est une initiative réussie qui offre jusqu’à 5000 $ aux entreprises pour le développement de sites Web et le commerce électronique. Selon NEOnet, un total de 225 entreprises nord-ontariennes ont obtenu l’appui financier du programme BEAM afin d’assurer avec succès leur présence en ligne. Le sondage révèle que 95 % des petites et moyennes entreprises interrogées ont dépendu des contributions de BEAM afin de lancer leur présence numérique, et que 80 % des entreprises atteignent présentement des marchés à l’extérieur de leur zone locale. Aussi, on voit une augmentation des ventes de 55,8 % parmi les répondants, ainsi qu’une hausse de 45,5 % en ce qui a trait aux projets achevés (Pawluk, 3; Imhoff, n. pag.).

Il y a des organismes valorisés à but non lucratif dans le Nord qui rêvent d’avoir une influence positive, et ces efforts ne sont pas sans obstacle. NEOnet (North Eastern Ontario Communications Network Inc.) est un organisme à but non lucratif qui fait la promotion des technologies de l’information et des communications (TCI) dans le Nord-Est. Appuyé par FedNor, NEOnet a récemment appris que ce dernier cesserait son soutien financier pour les projets à large bande dans l’ensemble du Nord. Ceci comprend 18 projets proposés sur les 5 réseaux TCI qui visaient l’installation et l’expansion de services Internet à large bande dans les régions mal desservies du Nord de l’Ontario. Les réseaux concernés comprennent NEOnet, Blue Sky Economic Development Corporation, Muskoka Community Network, le Centre d’innovation de Sault Ste Marie et le Centre d’innovation du Nord-Ouest de l’Ontario à Thunder Bay (Imhoff, n. pag.). Avec la fermeture de ce volet de financement public, ces réseaux devront explorer d’autres pistes potentielles afin de trouver des investissements pour élargir les services de large bande comprenant les régions négligées par les fournisseurs de services et pour équilibrer l’accès Internet haute vitesse pour tout le Nord ontarien. Dans le même ordre d’idées, récemment le Fonds du patrimoine du Nord de l’Ontario (SGFPNO) a annoncé un financement pour l’expansion des services à large bande dans la zone desservie de la Société de développement des collectivités de Chukuni, ajoutant que les collectivités qui relèvent de celle-ci en bénéficieraient.

De nombreuses collectivités du Nord demeurent mal desservies et n’ont toujours pas la « haute vitesse » — soit 5 Mbps pour les téléchargements et 1 Mbps pour les téléversements — que le CRTC aurait prévue pour l’accès de chaque Canadienne et Canadien à la fin de 2015. Alors que le programme « Un Canada branché » a contribué à combler les lacunes au niveau des services ruraux, il n’a pas été une panacée pour la fracture numérique. Par exemple, alors que dans le Nord de l’Ontario, environ 70 % de la population a un accès Internet de 5 Mbps, cela est vrai pour seulement 37 % des résidents de la municipalité de Northeastern Manitoulin and the Islands, et quelque 475 ménages sont toujours insuffisamment desservis. Pour sa part, 49 % de la population de Sioux Narrows-Nestor Falls a un accès Internet haute vitesse, alors qu’à peu près 460 foyers sont mal desservis. En armant les collectivités avec des possibilités qui ne sont pas encombrées par des vitesses de téléchargement éternelles et un étalement géographique qui placent les connaissances et les opportunités hors de portée, les services haute vitesse à large bande peuvent servir de tremplin pour offrir des perspectives aux petites communautés du Nord afin de leur permettre d’élargir leurs horizons et leurs marchés.

 

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Mandy-Jean Masse est une stagiaire politique à l’Institut des politiques du Nord

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Ouvrages cités

Ashawasega, Tamara. Entrevue téléphonique. Mai 2016.

Bissiallon, Wilma. Entrevue téléphonique. 25 mai 2016.

Gouvernement du Canada. Digital Canada 150: 2.0, 2015. Fichier PDF.

Imhoff, Laura. Entrevue téléphonique. 30 mai 2016.

Pawluk, Lance. « Beam II Project: Survey Trends », 22 août 2014. Fichier PDF.

Commission de haut-niveau pour le développement numérique. « The State of Broadband 2015.» Septembre 2015. Fichier PDF. (hyperlien)

 

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