Fractionner et expédier versus valeur ajoutée

14 octobre, 2014 - C’est un sujet de préoccupation ordinaire que celui du Nord ontarien ne développant pas d’industries qui ajouteront de la valeur aux matières premières des mines et des forêts, avant de les exporter pour qu’elles soient utilisées ailleurs.

Alors, pourquoi ne pouvons-nous pas construire des installations de traitement et de transformation puis vendre dans le monde ces produits à valeur ajoutée?

Mike Moffatt aborde simplement ce sujet : « If there is a business case to do so, then absolutely [we can]. » (S’il y a une raison commerciale de le faire, alors nous le pouvons certainement.)

L’idée qu’il y ait une « justification » pour développer des installations de traitement et de transformation comprend la notion d’avantage comparatif.

Les industries primaires du Nord ontarien existent parce que la région a abondamment de minéraux dans le sol et d’arbres à la surface, qui peuvent être extraits et exportés. Le Nord ontarien est doté de ressources naturelles que personne d’autre n’a; c’est ce qui donne un avantage comparatif à la région dans ces industries.

Par contre, il n’est pas nécessairement évident que la région jouisse d’un avantage comparatif dans les produits forestiers et miniers à valeur ajoutée – c.-à-d. le traitement et la transformation des matières premières. Puisqu’une installation de traitement peut se trouver presque n’importe où, il y a beaucoup de facteurs additionnels – à part la proximité des matières premières – qui jouent sur l’aspect pour lequel le Nord ontarien a un avantage (ou désavantage) comparatif dans les industries à valeur ajoutée.

En fait, en raison des chaînes d’approvisionnement de plus en plus mondiales, « la proximité des marchés n’est plus un avantage comparatif pour les régions de transformation classiques », explique Moffatt. Cela n’est pas particulièrement étonnant étant donné les percées du transport et des communications dans le monde.

Certains facteurs additionnels qui contribuent à l’avantage comparatif d’une région sont déterminés au niveau national, notamment les taux de change, l’impôt des entreprises et les récessions. D’autres facteurs sont déterminés aux niveaux provincial et régional, y compris les coûts de la main-d’œuvre, ceux de l’énergie, les travailleurs, la productivité, la capacité d’innovation, la volonté du secteur privé, les établissements d’enseignement, etc. Ce sont tous des facteurs qui jouent sur la viabilité d’une entreprise ou d’une industrie.

La clé de la réussite est d’utiliser votre avantage comparatif

Supporter une entreprise ou une industrie particulière qui n’a pas d’avantage comparatif – par exemple, une installation de traitement du bois qui requiert des travailleurs peu qualifiés et des niveaux élevés d’électricité – à l’aide de subventions du secteur public ne sera pas durable à long terme.

En termes de coûts de la main-d’œuvre, l’industrie est en concurrence avec d’autres qui ont accès à une offre abondante de travailleurs peu qualifiés, à un salaire considérablement inférieur. Il est difficile de concurrencer avec une compétence qui peut s’en tirer en demandant une fraction d’un salaire de base. De même, si une installation locale requiert beaucoup d’électricité pour réaliser un produit à valeur ajoutée, alors l’industrie/entreprise est clairement désavantagée à cause du prix élevé de l’électricité dans le Nord ontarien.

Supposons que le gouvernement décide de subventionner cette industrie ou d’y investir tout de même. Que se passera-t-il? Toute intervention gouvernementale devrait ultimement avoir pour résultat que l’industrie produise ses biens à un prix compétitif sur le marché, sinon, nous pouvons supposer que personne n’achètera ces biens.

Il y a deux façons de parvenir à un prix concurrentiel pour ce produit du bois à valeur ajoutée qui est fabriqué à l’aide de niveaux élevés d’électricité ainsi que de travailleurs peu qualifiés et relativement bien payés. La première est que le gouvernement subventionne le salaire et les coûts de l’énergie supérieurs du traitement local du bois, rendant « viable » cette entreprise, dans le sens où le propriétaire de l’installation verrait les rendements qu’il aurait eu sous la compétence concurrente.

La deuxième est que le gouvernement subventionne l’industrie primaire de l’extraction, qui fournit à l’installation du traitement local du bois les produits bruts de la forêt. Puisque l’installation locale est comparativement désavantagée à cause de coûts d’exploitation supérieurs, elle doit obtenir les produits bruts à un prix réduit afin de demeurer compétitive. Ainsi, le gouvernement aurait à subventionner une entreprise d’extraction pour la différence qui existe entre le prix réduit payé par une entreprise locale à valeur ajoutée et le prix du marché payé par une usine de traitement étrangère, afin de maintenir le niveau initial des rendements qui rendaient l’industrie primaire viable.

Que la première ou la seconde option soit choisie, le résultat final est une industrie prétendument concurrentielle qui est supportée par du financement gouvernemental, autrement dit, par les contribuables. En ce sens, nous pourrions prétendre que l’avantage concurrentiel de la région tient aux subventions du gouvernement. Cela est difficilement une stratégie durable.

Alors, pour quelles industries à valeur ajoutée le Nord ontarien a-t-il un avantage comparatif?

Ce n’est malheureusement pas immédiatement clair.

Le Nord ontarien fait face à des problèmes structurels qui ont un effet négatif sur la croissance et les opportunités en général. La région est aux prises avec une population vieillissante, à quoi s’ajoute l’émigration des jeunes; la population totale est en sommeil dans une grande mesure. La croissance de l’emploi globale a été surtout stagnante, et le secteur privé a du mal à prendre de l’expansion. Bien qu’il y ait dans le Nord ontarien certaines régions qui donnent des signes de croissance, l’économie générale semble se heurter à des problèmes structurels.

Le Nord ontarien devrait consacrer moins de temps à placer de l’argent dans des entreprises individuelles et davantage à chercher de véritables opportunités et industries qui sont bien positionnées pour la croissance. Investir pour attirer des jeunes et des immigrants dans la région et développer une main-d’œuvre technique et hautement qualifiée différenciera notre région devant des concurrents qui dominent des industries reposant sur des travailleurs peu qualifiés. Cela signifie édifier un système d’éducation solide avec des partenaires gouvernementaux et industriels et concevoir des programmes d’apprentissages moins restrictifs et plus spécialisés. Ces stratégies sont générales mais nécessaires en raison des défis que la région doit relever. « Créer des emplois » en pompant de l’argent dans quelques nouvelles entreprises est un objectif à courte vue qui ne persiste ordinairement qu’aussi longtemps que ce financement.

De plus, investir en recherche et développement aidera la région à renforcer une capacité nécessaire d’innovation. Les coûts de l’électricité sont élevés par rapport à ceux de nombreux concurrents de la région tant au pays qu’à l’étranger. Les technologies de l’innovation qui réduisent les coûts de l’électricité grâce à des améliorations de la productivité et/ou des sources d’énergie moins coûteuses, tel le gaz naturel, seront déterminantes pour que prospèrent les industries locales. Un exemple de cela, comme nous le signalions dans un blogue antérieur, est le plan des ressources de KWG, à savoir trouver un procédé utilisant le gaz naturel au lieu de l’électricité, aux fins de la fusion du minerai dans le Cercle de feu.

Le résultat net est que la question de « fractionner et expédier » ou de « vendre à une entreprise à valeur ajoutée » n’est pas aussi simple qu’elle le semble. Le discours sur la croissance dans le Nord ontarien doit s’éloigner des stratégies à court terme créant des emplois subventionnés dans les industries à valeur ajoutée et s’attaquer aux problèmes structurels à long terme auxquels la région fait face. Aborder les problèmes fondamentaux en cherchant soigneusement où se trouvent nos opportunités futures sera crucial pour la croissance durable à long terme.

Par James Cuddy

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