Les livraisons par drone, ou comment réduire l'insécurité alimentaire dans le Nord de l'Ontario grâc

le 29 janvier 2018 - Tout le monde sait que plus vous allez vers le nord, et plus le prix des aliments augmente : ce n’est pas un secret, il n’y a qu’à demander aux membres des communautés des Premières Nations qui vivent dans les régions rurales et éloignées du Nord ontarien. Toutefois, une solution pourrait bien mériter une discussion plus approfondie : la technologie des drones.


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 Avant d’explorer les différentes possibilités offertes par les drones, il est important de comprendre l’ampleur de l’insécurité alimentaire dans les communautés des Premières Nations du Nord ontarien. D’après un rapport de 2016 du Réseau pour une alimentation durable, qui a analysé les coûts des aliments dans les collectivités d’Attawapiskat, de Fort Albany et de Moose Factory, il existe des différences colossales entre les communautés éloignées et celles qui sont bien desservies. Ainsi, en 2015, le coût moyen du panier de provisions nordique révisé (PPNR) s’élevait à 1 793,40 $ par mois et par famille, contre 874,90 $ à Thunder Bay et 847,16 $ à Toronto. En outre, le Rapport canadien sur les prix alimentaires à la consommation 2017 souligne que la population canadienne peut s’attendre à une augmentation du prix des aliments dépassant le taux d’inflation (de l’ordre de 3 à 5 pour cent), renchérissant ainsi le coût déjà élevé des aliments dans les Premières Nations du Nord de l’Ontario.

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Le rapport de 2016 du Réseau pour une alimentation durable a également constaté que les foyers de Fort Albany (aucune donnée actuelle n’étant disponible pour Attawapiskat et Moose Factory) doivent consacrer environ 56 pour cent de leur revenu médian à l’achat d’aliments nutritifs. À titre de comparaison, ce chiffre s’élève à 36 pour cent à Moosonee et à 19 pour cent à Timmins.

Comme le notent (2014), la probabilité d’insécurité alimentaire dans un ménage augmente avec la présence de certaines caractéristiques, notamment la dépendance vis-à-vis de l’assurance-emploi (37 pour cent), le fait d’être Autochtone (27 pour cent), et le fait d’être locataire plutôt que propriétaire de son logement (25 pour cent). Par ailleurs, le rapport publié par PROOF en 2014 sur l’insécurité alimentaire a mis en évidence que 25,7 pour cent des ménages autochtones hors réserve souffraient d’insécurité alimentaire, soit plus du double que les 12 pour cent relevés dans les ménages canadiens non autochtones.

Et ce n’est pas tout. Le Conseil des académies acadiennes (CAC) a publié un rapport qui met en évidence les effets de l’insécurité alimentaire, en citant des données probantes indiquant que les personnes victimes d’insécurité alimentaire sont plus susceptibles de souffrir de malnutrition et d’infections, de même que d’affections chroniques telles que l’obésité, les maladies cardiovasculaires, le stress, ainsi que de problèmes de développement de l’enfant. De plus, le rapport du CAC a constaté qu’outre ses effets néfastes sur le bien-être, l’insécurité alimentaire a aussi des conséquences économiques, puisqu’il faudra dépenser de plus en plus d’argent pour gérer ce que le CAC appelle « une nouvelle crise de santé publique ».

Vu les problèmes que provoque l’insécurité alimentaire, on peut se demander pourquoi les coûts des denrées demeurent si élevés. D’après le Rapport 2014 du vérificateur général du Canada, Nutrition Nord Canada (NNC) n’a pas permis d’offrir aux habitants du Nord (la population censée bénéficier de ce programme) un meilleur accès aux aliments sains. Le Rapport 2014 indique que l’augmentation des coûts alimentaires est attribuable à une absence de concurrence, à des transports médiocres et à des conditions météorologiques imprévisibles. Certains obstacles expliquent que de nombreuses communautés des Premières Nations du Nord ontarien sont contraintes de s’approvisionner dans des épiceries qui, souvent, ne sont pas détenues localement et proposent des aliments à des prix bien supérieurs que dans les communautés du Sud de la province. Le rapport du Réseau pour une alimentation durable affirme que cette situation est attribuable à plusieurs facteurs : populations de taille restreinte ayant un faible pouvoir d’achat, monopole de certaines chaînes d’épiceries (Northern), coûts de transport et de carburant plus élevés, et systèmes de distribution alimentaire complexes, qui empruntent des routes de transport plus longues et moins fréquentées.

Pour illustrer ce problème, on peut se pencher sur le cas de la Première Nation crie de la Moose, (Moose Factory), une petite communauté située à 850 kilomètres au nord de Toronto et à 250 kilomètres au nord de l’autoroute la plus proche. Bien que Moose Factory ne dispose d’aucun accès au réseau routier, certains modes de transport permettent d’atteindre la communauté, comme indiqué dans le site Web de Moose Factory. Dans un premier temps, les visiteurs doivent se rendre à Moosonee, ce qui est possible en prenant un train depuis Cochrane ou un avion d’AirCreebec depuis Timmins. Une fois à Moosonee, ils peuvent emprunter un bateau-taxi en été (15 $ pour un aller simple), ou la route de glace entre décembre et mars (10 $ en taxi pour un aller simple), ou un hélicoptère en période de gel et de dégel (40 $ par personne pour un aller simple).

Dans un tel cas de figure, la technologie des drones s’avère de plus en plus capable de fournir une solution économique et immédiate à un problème de longue date. Récemment, la société Drone Delivery Canada a annoncé qu’elle lançait un partenariat avec Moose Factory pour tester un programme d’entrepôt commercial approvisionné par drone. Les biens expédiés incluront du courrier, des fournitures médicales et d’autres biens essentiels. Les bateaux, les bateaux-taxis et les hélicoptères sont des moyens de transport lents et dispendieux qui renforcent la cherté des aliments, alors que les drones peuvent être une solution rentable et immédiate. Selon Stan Kapashesit, le directeur du développement économique de Moose Factory, « il faut plusieurs heures pour que des biens nous parviennent, même en cas d’urgence ».

Les biens distribués à la communauté peuvent coûter 7 à 10 $ par livre de marchandise expédiée en cas d’envoi par hélicoptère, contre « quelques cents ou quelques dollars » s’ils sont expédiés par drone. Autant dire que l’analyse de rentabilité indique que les avantages de cette technologie sont substantiels. Au début, le programme de Moose Factory fera appel à des drones de 1,2 m sur 1,2 m, capables de transporter 4,5 kg en 10 minutes depuis Moosonee. Si l’initiative est fructueuse, Drone Delivery Canada mettra alors en service des drones plus grands, capables de transporter des charges plus lourdes sur de plus longues distances. Pour l’heure, des tests de vol menés dans la communauté ont démontré que les drones étaient capables de résister aux rigoureuses conditions du Nord.

Pour résumer, l’insécurité alimentaire est un problème qui touche bon nombre des Premières Nations du Nord ontarien, avec des coûts de transport qui accentuent la cherté des aliments dans les collectivités éloignées. La technologie des drones est une solution qui pourrait contribuer à changer la donne en réduisant les coûts et en offrant un accès immédiat qui fait actuellement défaut à tant de personnes. Comme l’indique Patricia Faries, la  , « nous (les Premières Nations) ne sommes pas statiques ou bloquées en 1905, nous sommes une nation qui évolue, tout comme n’importe quelle autre ». Et les drones sont une technologie qui peut accompagner ce changement.

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Winter Lipscombe est une stagiaire en relations publiques à l’Institut des politiques du Nord.


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